Il nous l'avait bien dit
septembre 2023
Un emblème trompeur
En écho à notre 0/10 du mois, nous reprenons un fragment de
Jean-Baptiste Say déjà publié dans La Décade mais qui continue de résonner en de multiples occasions…
Quelle place doit occuper l’État, quelles libertés sont indispensables à la prospérité ? La nation est-elle un troupeau que doit mener un berger ?
« Dans la vie sociale, par la nature même des choses, l’impulsion ne réside point dans le gouvernement (il serait injuste de lui demander) mais dans la nation. Ce sont les hommes dont elle se compose qui sont chargés de se tirer d’affaire. C’est là qu’est la pensée ; c’est là qu’est l’action qui fait subsister la société. C’est un emblème trompeur que celui qui représente l’État comme une famille dont le chef de l’administration est le père. Ce sont deux choses entièrement différentes. Dans l’État, les conceptions qui procurent l’entretien du corps social, les capitaux, l’exécution des entreprises se trouvent chez les gouvernés. La nature a créé la supériorité du père sur ses enfants. C’est elle qui a voulu qu’il fût dans leur enfance le plus fort, ensuite le plus expérimenté. Loin de là, dans la société civile, non seulement la force morale, mais la force physique est du côté des gouvernés ; car plusieurs millions d’hommes sont plus forts que quelques centaines seulement qui les gouvernent.
Ce n’est pas un tableau fidèle que celui qui représente les citoyens comme des brebis et ceux qui sont chargés de veiller sur les intérêts communs comme des pasteurs. Un tel langage n’est propre qu’à rabaisser la dignité des hommes à l’importance des brebis. Ces bergeries politiques ne conviennent plus à un siècle parvenu à sa maturité.
Il résulte de cela que si la tâche du gouvernement est plus facile, celle des simples citoyens est plus difficile qu’on ne le pense communément. La prospérité du pays dépend principalement d’eux-mêmes, de la manière dont ils gouvernent leurs affaires privées. »
Discours d’ouverture du cours d’économie industrielle.
Novembre 1828