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décembre 2016
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
« Réparer les dégâts de la mondialisation » Manuel Valls, les Échos 24 novembre :
Voici un bref extrait de ce point de vue du Premier Ministre, pas encore candidat, qu’il nous faut analyser :
« L’Europe doit également assumer une vraie politique de croissance, investir, s’endetter s’il le faut, pour permettre à de grands champions européens d’émerger. Cela implique de réorienter la finance vers l’économie, c’est-à-dire le financement de nos entreprises, de nos infrastructures, de nos investissements. »
Comment ne pas être spontanément d’accord après une lecture rapide de ces propos ?
Ils sont malheureusement un bel exemple des véhicules chargés, comme des métros aux heures de pointe, d’idées vides et même trompeuses de la réalité économique :
• De quelle Europe parle-t-on ? Si c’est l’idée européenne, elle ne peut agir dans le champ économique ; si ce sont les institutions européennes, c’est céder au réflexe du bouc émissaire : en creux on comprend que les institutions européennes n’ont pas mené « une vraie politique de croissance » ; c’est surestimer leur rôle dans la sphère économique qui est pratiquement nul : hors la politique monétaire qui est dans les mains de la BCE, la politique budgétaire est restée dans les mains des États membres et donc de la France qui s’est assise sur les engagements pris dans les traités. Par ailleurs, à l’exception de la BCE indépendante, les institutions européennes sont sous le contrôle des gouvernements nationaux et plus modestement du parlement européen et davantage encore des parlements nationaux qui approuvent par ordonnances et sans frémir la transposition des directives effectivement souvent délirantes de la Commission, qui encore une fois ne travaille pas sans mandats…
• Les institutions européennes n’ont pas de budget pour investir significativement ; au regard des déficits et des dettes accumulées au niveau national, sans effets positifs visibles sur la croissance, imaginer que créer un nouvel étage de dépense et d’endettement au niveau européen puisse être une solution ne permet que d’éviter d’analyser l’inanité des politiques budgétaires menées depuis trente ans. Celle de la France en particulier qui a fait le choix de la consommation plutôt que l’investissement : ce dernier ne représente plus que 5 % des dépenses publiques contre 64 % pour les dépenses sociales et 23 % pour les salaires. Environ 80 milliards qui se comparent aux 67 milliards consacrés à l’enseignement scolaire, aux 46 de la défense et surtout aux 43 milliards d’intérêts payés sur notre dette qui partent à hauteur de 60 % dans les poches des créanciers étrangers qui nous font encore confiance. Des transports publics, aux universités en passant par EdF, chacun perçoit bien l’état de nos infrastructures publiques…
• « Réorienter la finance » : on aurait pu penser que le recours à la « finance » comme élément de l’explication du caractère anémique de la reprise française disparaisse un jour. La « finance », n’existe pas : elle n’est que la représentation fiduciaire de l’économie ; il existe de l’épargne, de la dette, des instruments financiers, des marchés financiers, des régulateurs financiers et des entreprises financières comme les banques ou les assurances qui orientent l’épargne en fonction de la demande des épargnants et qui produisent des crédits en fonction de la demande et de la politique monétaire. Il se trouve que par effet d’éviction l’épargne est siphonnée par notre dette publique et que la régulation financière contraint les banques à une politique malthusienne dans la production de crédits aux entreprises.
Comme quoi quelques phrases simples et apparemment pertinentes exigent une correction sévère, si l’on veut que ceux qui nous gouvernent comme tous ceux qui produisent et consomment comprennent un peu mieux la mécanique pourtant bien expliquée par J-B Say
qui sous-tend notre prospérité menacée.