Au fil des lectures : reçu 10/10
novembre 2023
« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)
René Monory (6 juin 1923-11 avril 2009), centenaire d’une vie exemplaire
« Personne ne pense que l’État dispose d’une sorte de pépinière d’où il extrairait selon les nécessités des ministres tout faits, nés pour cette fonction et ne servant qu’à cela. Il existe pourtant des hommes, et depuis quelque temps des femmes, que l’opinion considère comme prédisposés à remplir des fonctions ministérielles, des « ministrables » qu’un jour ou l’autre une situation politique favorable confirme dans une fonction pour laquelle ils semblaient faits. Tel n’est pas mon cas. »
Combat pour le bon sens – Albin Michel 1984.
« J’aimerais, si mes mots y parviennent, transmettre à quelques jeunes intrépides l’envie de descendre dans l’arène publique.
« J’aimerais leur dire : « Allez-y ! Dans le sérail feutré des professionnels de la politique, imposez votre regard, votre sang, votre rêve. Soyez enthousiastes. Soyez têtus, opiniâtres, ayez des convictions et faites-leur confiance, mais surtout n’aimez pas trop le pouvoir ».
La Volonté d’agir – Odile Jacob 2004
Les célébrations autour du centenaire de René Monory ont été bien timides ou discrètes pour une République qui se glorifie pourtant de sa mémoire et des devoirs qu’elle impose. En dehors du Sénat qu’il présida et de sa Vienne native (Loudun précisément) qu’il représenta, les hommages rendus à Monory n’ont pas été à la hauteur de sa personnalité et de ses réalisations.
C’est vrai que son profil détonne encore plus aujourd’hui qu’hier par rapport à ceux des politiciens habituels, soulignant davantage leur homogénéité et la conformité qui en résulte.
Fils du garagiste de Loudun, il est mécanicien à 15 ans. Très vite il comprend l’intérêt de l’automobile d’occasion dans l’après-guerre et saisi les opportunités de la mécanisation agricole en vendant des tracteurs Massey Ferguson. Il apprend ainsi à pénétrer et connaitre le milieu rural qui l’entoure et finit par vouloir aussi lui apporter des solutions plus largement. D’où l’entrée en politique. Maire de Loudun de 1959 à 1999 il sera Sénateur de son département, Ministre du Commerce et de l’artisanat (1977-78) puis Ministre de l’Économie de 1978 à 1981. Il sera Ministre de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur (1986-1988). Il a présidé le Sénat à la suite d’Alain Poher de 1992 à 1998.
Outre son origine et sa formation atypiques, Monory s’est illustré par des convictions simples qui reposaient sur des valeurs : la confiance dans la jeunesse, l’avenir et le progrès, la nécessité de promouvoir l’éduction et la technologie, la liberté d’entreprendre, l’hostilité à la réglementation en général et la promotion de la responsabilité plutôt que du contrôle.
Il savait également compter. Il a développé le marché de l’épargne avec une loi en 1978 qui a permis le financement des entreprises et la création des Sicav : sa loi permettait de déduire (avec un plafond) des revenus imposables les investissements dans les entreprises françaises qui manquaient de fonds propres. Il a libéré les prix des biens industriels et de nombreux biens de consommation et de services. Libération qui sera totale en 1986.
Il a conçu et développé le parc du Futuroscope qui cumule plus de 60 millions de visiteurs depuis son ouverture en 1987 et qui en a accueilli presque 2 millions en 2022 en plus d’être un centre de formation et d’éducation qui héberge aussi de nombreuses entreprises sur son technopôle.
Monory plaidait pour que le gouvernement des hommes soit réalisé par des individus aux origines variées : des grandes écoles et de la « base » comme il disait, sans doute moins techniques mais probablement dotés d’un bon sens qui fait souvent défaut aux techniciens. Car ce n’était pas un politicien, mais un homme d’État.
Au souvenir de René Monory, on associera celui de Francis Mer disparu le 31 octobre, ancien Ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie (2002-2004), certes polytechnicien, mais également esprit libre et humaniste comme Monory, qui n’aura pas pu cohabiter avec les politiciens professionnels aussi bien que ce dernier.
René Monory, père du Futuroscope – 1999 • © maxppp GERARD PROUST