Il nous l'avait bien dit
novembre 2017
« Préjugés et jugements »
Alors que les médias et internet sont prompts à nous amener des faits et des jugements dans un seul paquet, comme le montre notre 0/10 du mois, relisons Jean-Baptiste Say moraliste :
« Un préjugé ne fausse pas le jugement sur un seul objet, mais sur tous. Si malgré le témoignage de ses sens j’enseigne à un enfant qu’un lapin est aussi grand qu’un mouton, et que par tous les moyens que me fournit l’habitude de l’obéissance, l’ascendant de l’âge, de l’instruction, de la force, des menaces même, je parviens à le lui faire croire, son jugement est faussé, non seulement par rapport à la taille des moutons et des lapins, mais sur tout le reste. Il ne peut plus s’en rapporter au témoignage de ses sens, à son jugement. Rien ne lui paraît plus ni prouvé, ni vrai en soi-même ; son esprit est devenu plus timide, plus porté à admettre des faussetés. Le jugement, comme toutes les autres facultés, se perfectionne par l’exercice. Veut-on l’avoir bon ? Il faut s’habituer à juger par soi-même. Le jugement gagne même lorsqu’il se trompe, comme un enfant apprend l’équilibre, même s’il le perd. Voulez-vous rendre un enfant judicieux ? Laissez-le juger ; ne lui donnez pas des jugements tout faits. Les peuples deviennent judicieux par des procédés analogues. »
Mélanges de morale. Petit volume. 1817. In œuvres diverses.