Parole d’entrepreneur
octobre 2022
Jérôme Permingeat : Le Minor, l’industrie textile c’est possible en France !
www.leminor.fr
www.leflageolet.fr
Jérôme Permingeat a coulé une jeunesse très heureuse à Toulon, berceau de sa famille depuis plusieurs générations. Une ville à laquelle il garde un attachement viscéral.
Et « Comme tout bon toulonnais qui se respecte », il la quitte pour l’internat du Lycée Lacordaire à Marseille. Plus tard ce sera Versailles pour ses classes préparatoires, et enfin l’école supérieur de commerce de Reims.
Ses deux parents sont magistrats. Une filiation dont il hérite rigueur – sa mère est d’origine allemande – et richesse culturelle – son père est moitié provençal moitié corse, et pied-noir. Un savant mélange qui explique à la fois un caractère affable et un esprit organisé laissant peu de place à la surprise.
Jérôme acquiert tôt le sens des responsabilités. Dans sa famille d’abord où les deux parents sont largement investis dans leur métier, Il est l’ainé des 6 enfants. Ensuite dans le mouvement des Scouts d’Europe où il passe tous les échelons, chef d’équipage, puis chef d’une troupe de scouts marins à 19 ans. Une prise de risque qu’il assume à la tête de 64 compagnons de 12 à 17 ans, alors même qu’il poursuit sa 2e année de prépa.
Jérôme se passionne pour l’univers des dirigeants, des responsabilités, pour ceux qui en ont et ceux qui en prennent. C’est d’ailleurs le thème de son mémoire de fin d’études : L’impact de la personnalité des dirigeants sur les performances de leur entreprise. Un travail qui sera l’occasion de rencontres passionnantes avec de nombreux dirigeants qui accueillent ses recherches avec bienveillance.
Comme souvent ce sont les rencontres qui recentrent un parcours. C’est le cas de la rencontre avec Philippe Le Roux qui décide Jérôme en 2012 à rejoindre Key People, société animatrice de cercles de dirigeants et cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des CODIR. Jérôme revient au cœur de son sujet de prédilection : les responsabilités, ceux qui en ont, ceux qui en prennent.
Autre rencontre déterminante celle de Sylvain Flet, rencontré lors d’une expérience précédente, avec qui il lie une amitié solide qui conduit à leur association dans la création la même année de leur société Le Flageolet, fabricant français de nœuds papillons et autres accessoires de mode pour homme. De 2012 à 2018, Jérôme a deux vies dans deux univers : l’univers des dirigeants – dont il organise les temps de réflexion – qu’il continue d’explorer au rythme de rencontres passionnantes, et l’univers de l’entrepreneuriat aux côtés de son ami et associé Sylvain avec qui il développe Le Flageolet.
En 2017 ils décident de reprendre Le Minor, le fabricant des bonnets qu’ils vendent sur Le Flageolet, et dont la dirigeante part à la retraite. Survivant de la crise du textile français, Le Minor a connu des heures plus fastes au moment où les deux associés prennent cette opportunité de reprise comme une évidence : une boîte certes bancale financièrement mais centenaire, avec une histoire, un vrai savoir-faire, des produits, des marchés. Bien conseillés et bien armés d’un plan de reprise solide, le retournement de Le Minor est un succès. En 2018 au moment du rachat la société réalise un chiffre d’affaires de 1,5 million, en perte, avec 22 personnes, une moyenne d’âge de 58 ans, et un parc machine de plus de 30 ans. Aujourd’hui Le Minor réalise un chiffre d’affaires de 3,9 millions, profitable depuis la reprise , avec 62 personnes, une moyenne d’âge de 34 ans, et un parc machine neuf. Le carnet de commande est plein, avec une offre de produits fabriqués en France, garantis 40 ans, traçables, et répondant parfaitement aux attentes actuelles en matière de consommation responsable.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
J’ai toujours eu une vie entrepreneuriale « à côté » avec Le flageolet, en parallèle de mes premières expériences professionnelles.
Je suis venu à l’entrepreneuriat par goût de la liberté, du challenge, par audace. J’aime me dire qu’il est possible de réussir quelque chose qui paraît à priori impossible à tous. C’est un peu le cas de Le Minor.
Et puis j’ai été poussé, encouragé par mes proches, à prendre cette voie qui correspond bien à mon tempérament.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
L’entrepreneur est le seul qui porte les risques. Peu de collaborateurs ont conscience des risques que l’on prend quand on entreprend. Entreprendre exige d’ailleurs une certaine dose d’inconscience.
En revanche il n’est pas le seul à entreprendre. Son rôle consiste à favoriser les conditions permettant à ses collaborateurs de développer leur capacité à entreprendre, à innover. Il est le pilote d’une gouvernance structurée qui définit clairement les rôles et responsabilités de chacun, et qui facilite les décisions. Il donne les grandes orientations en favorisant la prise d’initiative et la capacité d’innovation de chacun.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La création de valeur se mesure par l’impact social que l’organisation génère. C’est le cas d’une entreprise industrielle comme la mienne.
Notamment par la création d’emplois, le dynamisme que l’on insuffle au territoire, le maintien d’un savoir-faire historique, et la poursuite durable d’une activité centenaire.
Tout ça passe bien sûr par un modèle économique équilibré et profitable pour toutes les parties prenantes, pas seulement les actionnaires, mais aussi les collaborateurs qui maintiennent et transmettent un savoir faire historique.
Aujourd’hui la création de valeur se définit aussi par le produit. Les nouvelles générations recherchent du sens. Elles ressentent le besoin de travailler pour des organisations qui proposent des produits répondant à leurs préoccupations, notamment environnementales.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?
a/ Éduquer les services administratifs de l’État pour que l’entrepreneuriat soit encouragé plutôt que suspecté.
Je trouve stupéfiant que lorsqu’on crée ou que l’on reprend une société en France le premier courrier que l’on reçoit c’est celui de l’administration fiscale qui vous communique les cordonnées de votre service des impôts. En revanche aucun courrier du Ministère du Travail pour nous féliciter pour notre contribution au dynamisme économique du pays. Pourtant ça changerait tout en matière de perception de l’entrepreneuriat.
b/ Fluidifier le marché de l’emploi par la simplification administrative. Embaucher ou se séparer d’un collaborateur est bien trop compliqué.
C’est un frein, un risque que l’on a de plus en plus de mal à prendre.
c/ Promouvoir les métiers manuels dans l’industrie.
Il y a un désintérêt pour ces métiers aujourd’hui et c’est dommage. Contrairement à ce que l’on peut penser certains d’entre eux sont très bien rémunérés. C’est le cas des tricoteurs par exemple. Mais il n’y a plus d’école de tricoteur en France depuis 1999.
d/ Renforcer les synergies entre l’entreprise et l’école.
Je parle du collège. On doit expliquer l’entreprise aux enfants dès le plus jeune âge. Pour qu’ils découvrent toutes les opportunités que l’entreprise propose.
C’est incroyable de se dire aujourd’hui qu’un jeune en 3e année de fac n’a fait qu’un stage de trois jours en entreprise.
e/ Redévelopper un vraie politique industrielle long terme.
Que l’on puisse vraiment embarquer le pays dans une nouvelle aventure comme ça a été le cas pour l’aéronautique il y a 30 ans.
f/ Une exonération ou un taux de TVA ultra faible.
Pour les produits 100% made in France.