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novembre 2019
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
Jean-Claude Trichet :
une certaine satisfaction de soi
Il est vrai que l’opinion publique qui s’y intéresse, c’est-à-dire principalement celle des financiers et de leurs relais dans les médias font toujours preuve d’une certaine déférence, voire dévotion, à l’égard des banquiers centraux qui se promènent avec le costume de super-héros toujours doté d’une grande sagesse… Au point qu’Alan Greenspan président de la FED à l’époque, artisan et complice de la crise des subprimes de 2007 -la plus grave crise du crédit depuis la Seconde Guerre mondiale- suscitait l’admiration de tous en affirmant « si vous m’avez compris c’est que je me suis mal exprimé ». Ainsi Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque de France, dans une économie en ralentissement, monta les taux à court terme à plus de 20 % fin 1992 pour défendre la parité du Franc et provoqua la disparition d’un million d’entreprises au cours de la récession qui suivit. Puis qui jugea opportun à la tête de la BCE d’augmenter les taux en juillet 2008 à 4,25% à la veille de la pire récession des 100 dernières années.
Ce même Jean-Claude Trichet soutient dans le Monde du 21 octobre que les attaques récentes contre la BCE (enfin ! pourrait-on dire) « ne visent pas la bonne cible ». Il ne s’agit pas ici de critiquer l’essentiel des mesures qui ont été prises par la BCE pendant et après les crises financières de 2008 et 2011, et qui ont certainement été adaptées. Mais il s’agit plutôt de s’étonner de cette aura qui entoure les politiques monétaires et particulièrement celle de la BCE depuis 4 ans, qui reste une politique de gestion de crise et non une politique adaptée à la situation actuelle de l’économie de la zone euro.
Et d’ailleurs l’ancien « sage » de Francfort est plein d’incohérences dans sa tribune au Monde :
– Il soutient d’un côté que les mesures non conventionnelles (le rachat de dettes publiques par la BCE et le maintien de taux en territoire négatif) ont permis une croissance réelle et une inflation supérieures à ce qu’elles auraient été sans celles-ci. En même temps il souligne l’inflation anormalement basse. Celle-ci est en fait à peu près inchangée dans les pays « core » de la zone euro depuis sa création (autour de 1,5%, -quel est le problème de ne pas être à 2% ?).
– Il constate un chômage encore élevé dans la zone euro, oubliant qu’à son taux actuel de 7,4% il est identique au niveau le plus bas de 2007. Alors qu’en 2018 il jugea nécessaire de monter son taux directeur à 4,25%, le taux actuel de la BCE -pour un niveau de chômage comparable- est de -0,5% !
– Enfin il s’étonne des excédents importants de la balance des paiements courants de la zone euro, qui résultent en fait d’une sous-évaluation manifeste de la devise commune par rapport au dollar notamment. Les taux négatifs entrainent une préférence pour le dollar, alors que la parité des pouvoirs d’achat devrait ramener celui-ci vers 1,25 / 1,30 euro. Une telle parité serait sans doute un handicap supplémentaire pour les maillons faibles de la zone que sont la France et l’Italie dont la productivité est comprimée depuis des années par un État providence boursoufflé, et notamment par le coût de leurs retraites.
– C’est ainsi qu’il invoque la nécessaire « pleine utilisation de leurs capacités budgétaires » des économies vertueuses qui dégagent des excédents publics et qui ont fait l’effort de réduire leurs dettes (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, etc.). La cigale faisant encore une fois la leçon à la fourmi, comme si une relance budgétaire pouvait être justifiée dans des économies en plein emploi !
Sa conclusion -qui pourrait se lire comme une blague- est qu’il faut critiquer les autres
« institutions européennes, les gouvernements et parlements nationaux, sans oublier le secteur privé », mais s’il vous plait, pas la BCE !
N’en déplaise à Jean-Claude Trichet, on pourra le faire en lisant « Christine Lagarde doit en finir avec une politique monétaire insensée ».