Parole d’entrepreneur

février 2015

Interview de Diaa Elyaacoubi

Diaa Elyaacoubi est Ingénieur Telecom Paris Tech (ENST) 1994.

En 2012, elle lance le « Mouvement 100 jours pour Entreprendre », un mouvement qui a pour but de susciter chez les jeunes entre 18 et 25 ans l’envie d’entreprendre (www.100jourspourentreprendre.fr).

Entre 2004 et 2012, elle fonde et dirige la société « Streamcore Systems » spécialiste de la gestion des performances des réseaux « Clouds », revendue en décembre 2012 au groupe ORSYP. En quelques années la société s’est hissée à la pointe de l’innovation avec plusieurs brevets mondiaux et une dizaine de « Best Technology Awards ».

En 2003, elle fonde et préside « Esprits d’Entreprises » un think tank français, qui rassemble plus de 450 entrepreneurs et chefs d’entreprises performantes et de croissance (www.espritsdentreprises.org).

En 1999, elle fonde la société « e-Brands », premier opérateur VNO européen (Virtual Network Opérateur), et lance plusieurs fournisseurs d’accès comme Tele2 ou Noos. Au préalable, elle a occupé des postes à responsabilités au sein de Cegetel et Bull.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

J’avoue n’avoir jamais pensé devenir entrepreneur ni avoir su précisément ce que cela signifiait, aussi loin que peuvent me conduire mes souvenirs, de l’élève studieuse à l’ingénieur fraîchement diplômée !

Comme pour beaucoup, mon déclic est venu de la révolution Internet démarrée aux Etats-Unis à la fin des années 90, avec ses start-ups lancées par milliers, par des jeunes de mon âge, débordants d’enthousiasme et d’innovation. Rien ne semblait les arrêter et leur ambition n’était rien moins que celle de changer le monde avec une arme massive : le digital. Comme je me trouvais aux premières loges dans le secteur Telecom en ébullition, j’ai pu découvrir assez tôt ces exemples et me laisser entraîner par cet élan incroyable. J’ai basculé d’autant plus facilement vers ce chemin, encore inconnu pour moi, que je faisais dans le même temps un constat évident : j’ai en effet vite compris que mes chances de réussir dans un grand groupe en suivant le chemin classique étaient largement plus faibles que celles que je pouvais espérer en sortant des sentiers battus. Une décennie plus tard, en cette période où l’entreprenariat devient enfin populaire chez les jeunes, je continue à soutenir l’idée que la réussite entrepreneuriale demeure l’ascenseur social le plus efficace en France.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

Un chef d’entreprise n’est jamais seul et ne peut d’ailleurs jamais être seul, sinon, il serait un penseur, un philosophe, un artiste ou un expert. Un chef d’entreprise, comme son nom l’indique, est un chef d’orchestre, qui anime, innove, pousse les limites et fait la différence sur le terrain. C’est un assembleur de talents et un leader, qui par son énergie, sa vision et son courage, attire les meilleurs et les entraîne avec lui dans une belle aventure. Il doit avant tout s’entourer de personnalités complémentaires, sur la base d’une envie et d’une vision partagées, à laquelle s’ajoute la confiance sans laquelle aucun édifice ne peut se construire.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

C’est une expression qui peut prendre un sens différent selon qu’on parle à un financier, un actionnaire ou un salarié. Plutôt que de rentrer dans les définitions usuelles, je prendrai plutôt un autre angle. Au-delà de la rentabilité et de la croissance, essentielles à toute entreprise, ce qui constitue pour ma part l’essence de la création de valeur, est la capacité à apporter une réelle «disruption » dans un marché. Anticiper l’avenir, adapter des innovations en cours aux nouveaux modes de consommation, développer de nouveaux produits et de nouvelles offres au point de transformer un marché, cela constitue pour moi le « graal » de la création de valeur.

4) Quelles sont les trois mesures que vous prendriez pour améliorer le développement des entreprises françaises ?

Les idées ne changent pas depuis 30 ans, assenées par tous les groupes de travail qu’ils soient indépendant ou diligentés par les instances politiques dirigeantes du moment. Il va de soi que le contrat de travail, les normes et la fiscalité sont de vrais freins à la compétitivité et par conséquent au développement des entreprises.

En résumé :

– Développer un terreau fertile aux entrepreneurs car les terres arides finissent par décourager toutes les bonnes initiatives.

– Octroyer plus de liberté aux entrepreneurs et aux entreprises en réduisant les obstacles tant normatifs que législatifs ou réglementaires.

– Encourager l’atteinte de la taille critique pour une entreprise en stimulant la consolidation par secteur. Dans un pays d’entrepreneurs où l’on dénombre le plus grand nombre de sociétés du CAC40 dans le classement mondial Fortune 500, on peine à développer des sociétés de taille intermédiaires (5000 en France contre 12000 en Allemagne et 8000 en Italie) et ainsi les leaders de demain. Les raisons sont nombreuses et à mon sens les plus importantes sont celles de nature patrimoniale et fiscale. L’absence d’incitation fiscale au regroupement des entreprises favorise leur absorption par des groupes externes. L’instabilité fiscale et la perte de compétitivité de nos territoires depuis 30 ans encouragent les entrepreneurs à vendre et à constater leur gain immédiatement plutôt que de continuer à prendre des risques dans un environnement qui leur est défavorable.

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