Parole d’entrepreneur
juillet 2022
Hugues Pouget, fondateur et président de Hugo & Victor
« Toi mon fils, il faut que tu sois patron ».
Le père de Hugues, enseignant, a très tôt remarqué les talents de son fils. Depuis toujours, l’hôtellerie et la restauration le font rêver. Et il sait qu’un jour il sera son propre patron.
Pas d’autre entrepreneur dans la famille du jeune Hugues. Sa mère attendra ses quarante ans pour passer un CAP de tapissière, s’installer à son compte et vivre de sa passion.
Hugues passe un bac technique hôtelier, cuisine, pâtisserie, service, puis un BTS en gestion hôtelière et les deux CAP cuisinier et pâtissier.
Déterminé à « bien apprendre » son métier et donc dans les meilleures maisons, il commence sa carrière à 20 ans au Carlton à Cannes.
En 1999 il rentre chez Ladurée où il roule des croissants des heures durant. Puis ce sera une année au Bristol.
En 2002 Guy Savoy décroche ses 3 étoiles, et Hugues le rejoint en tant que chef pâtissier. Un vrai beau challenge pour ce jeune professionnel.
En 2003 Hugues enrichit son palmarès personnel avec le titre de champion de France des desserts.
Après tout juste un an de collaboration, Guy Savoy confie à Hugues la responsabilité de la pâtisserie de tous ses restaurants en France et à l’étranger. Une première expérience entrepreneuriale très riche avec la direction opérationnelle complète du sucré des établissements de la maison. De la conception des cuisines, au recrutement, à la création, et dans le respect des budgets, des achats et des marges.
Hugues passe des mois à Las Vegas pour la mise en place du nouveau restaurant de Guy Savoy. Tout à faire en partant d’une page blanche. « Un très bel exercice ».
Et aussi une claque pour Hugues qui rencontre lors de ses séjours prolongés aux États-Unis des professionnels du monde entier. Des cuisiniers, des pâtissiers qui ont du talent, et pourtant sans jamais avoir mis les pieds en France, et surtout sans avoir suivi le parcours traditionnel, du bas de l’échelle, apprenti, commis, chef de partie…vers le haut.
Un vrai changement de paradigme qui le fait réfléchir.
Son expérience américaine attise sa soif des horizons lointains.
À son retour de Las Vegas en 2006, il démissionne et part travailler comme consultant pour la division gourmet du leader mondial du chocolat Barry Callebaut, d’abord basé à Singapour puis à Shangaï.
Pendant deux ans il enchaîne les animations de salons, les formations de pâtissiers et chocolatiers aux produits du groupe, les créations et les mises au point de recettes, l’enseignement… à raison de 2 pays par semaine dans un triangle Séoul, New Dehli et Denpasar.
De retour en France en 2009, il accepte une mission de consultant opérationnel pâtisserie auprès d’un grand traiteur parisien, Raynier & Marchetti, qui lui ouvre ses laboratoires.
Fort de ses nombreuses expériences dans les meilleures maisons, en France et à l’étranger, en production comme en management, Hugues a terminé le parcours initiatique qu’il s’était fixé. Il est maintenant prêt pour le grand saut. Il lance Hugo & Victor en 2010 avec l’ouverture de sa boutique flagship boulevard Raspail. En 2015 ce sera une première ouverture au Japon, et en 2016 en Corée. En 2017 Hugo & Victor reprend Mazet, la plus ancienne confiserie de France à Montargis, qui exporte ses spécialités – dont les fameuses praslines- vers une trentaine de pays.
Le groupe réalise 7 millions de chiffre d’affaires avec 45 personnes, 2 boutiques en France, 6 au Japon et 4 en Corée.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
Aussi loin que je me rappelle j’ai toujours voulu être maître de mon destin.
J’aime agir, créer, définir ma vision et mettre en œuvre mon projet en toute liberté et indépendance.
J’ai besoin de me sentir libre de m’organiser comme je l’entends. Je n’ai jamais aimé la contrainte, les figures imposées.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
L’entrepreneur est clairement une bête à part. Il doit être pluridisciplinaire.
Il doit disposer d’une maîtrise technique de son cœur de métier et en même temps gérer sa trésorerie, ses achats, ses relations avec son banquier, la conformité réglementaire des laboratoires de productions…etc.
Il doit avoir ce leadership nécessaire pour motiver et entrainer les équipes.
Il doit garder un œil sur tout, ce qui est à la fois passionnant et fatigant.
L’entrepreneur est celui qui porte le projet avec l’énergie qui lui permet de souvent travailler de longues journées et de longues semaines. Tout en gardant le recul nécessaire.
C’est un parcours proche de celui du sportif de haut niveau qui se fixe des objectifs ambitieux en s’entourant des meilleurs pour les atteindre.
L’entrepreneur porte cette flamme que les meilleurs collaborateurs n’ont pas même s’ils sont souvent plus compétents dans leur domaine.
Certains ne comprennent même pas comment on peut s’épanouir dans un rôle qui vous conduit dans une même journée à sauter d’un avion à un autre, se retrouver à tester de nouvelles recettes dans un labo, conduire un entretien d’embauche, négocier avec un client, un fournisseur ou un banquier.
Le rôle et le degré d’engagement personnel de l’entrepreneur ne convient pas à tout le monde. Les collaborateurs qui se sont le plus rapprochés de ce rôle à mes côtés ont fini par s’installer à leur compte.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
C’est la combinaison intelligente des compétences, des collaborations, des produits bruts, et des services qui conduit la création de valeur.
On crée de la valeur lorsqu’on optimise les deux paramètres que sont la compétence et le temps. En modifiant une approche ou en innovant dans un processus de fabrication, ou dans un processus de vente, ou dans un mode de management, par exemple.
On peut créer de la valeur à chaque étape de la chaîne, en réalité.
Chaque étape peut être disruptée et peut donc être créatrice de valeur.
Les échanges et la collaboration à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise sont aussi créateurs de valeur. J’ouvre d’ailleurs mes ateliers à d’autres acteurs.
On crée de la valeur en travaillant aussi sur l’humain dans l’entreprise. Des collaborateurs mieux dans l’entreprise sont nécessairement mieux dans leur vie. Nous travaillons beaucoup sur le confort au travail. Ils nous arrivent de refuser certaines commandes pour stabiliser nos plannings de production et éviter de mettre nos équipes en tension excessive. Nous ne connaissons pas de turnover chez Hugo & Victor.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?
A – Simplifier et assouplir
Il faut moins de bureaucratie et moins de règles.
Les réglementations sont devenues bien trop techniques.
La conformité est trop lourde à gérer pour l’entreprise.
La procédure de rupture conventionnelle en social va dans le bon sens, il faut continuer dans cette direction.
B – Mieux préparer les jeunes à la réalité de l’entreprise.
Le décalage entre le système éducatif et l’entreprise est bien trop grand.
On s’en rend compte lorsque l’on confronte les prétentions salariales aberrantes des débutants avec la valeur perçue par l’entreprise à l’embauche.
C – Laisser les gens travailler.
Sortir du carcan des 35 heures et laisser travailler ceux qui veulent travailler plus.