Parole d’entrepreneur

mai 2024

Hugo Manoukian – Figonia Holding Ex CEO et co-fondateur de MoovOne

Entreprendre en famille

Originaire d’Aix en Provence, Hugo suit une éducation primaire suivant la méthode Freinet. « Une excellente école de l’entrepreneuriat » où l’expression des enfants est libérée et leur autonomie encouragée. Changement d’ambiance pour son secondaire dans le cadre plus sélectif de la Nat’ (La Nativité) avec un Bac S puis Spé maths. Il hésite encore entre le métier d’ingénieur et le commerce. Ce sera finalement Kedge, école de commerce, à Bordeaux. Grosse chute de tension après les concours. Il traite son baby blues en s’investissant dans la vie associative étudiante. Convaincu que « Tu deviens ce que tu fais », il est bien décidé à vivre les meilleures expériences et à développer son réseau. Il s’engage à fond dans les activités du BDE notamment en démarchant les centres commerciaux et les sponsors de l’école pour lever des fonds ou doter des prix. Alors qu’en école de commerce on ne parle curieusement pas techniques de vente, il est l’un des 20 étudiants qui choisissent de suivre une chaire optionnelle pour échanger avec les pros de Xerox et de PepsiCo.

Il passe son dernier semestre Kedge à Bangalore dans une université proche de Electronic City, énorme parc d’activités dédié aux technologies de l’information, d’où sortent 30 000 nouveaux ingénieurs par an. Un vrai choc. Fraichement diplômé il décide de voyager en Asie pendant près d’un an : Chine, Philippines, Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Laos, Malaisie, Indonésie… Il finit par poser son sac à dos en Australie pendant 6 mois pour « renflouer la caisse », en bossant dans la restauration. Une autre expérience très formatrice sur le service au client, la gestion de la production et de la qualité, la capacité à upseller un client…

De retour en France, regonflé à bloc, il rentre chez Alten Technologies. Il vend des projets de R&D à de grands groupes industriels du secteur aérospatial-défense. Thales, Airbus, Safran… Il réunit dans ce job ses trois passions : la vente, la technique, et le management des équipes projets. Au bout de 4 ans il sent bien qu’il a besoin d’autre chose.
C’est un échange avec son père et son frère sur un télésiège lors d’un Noël en famille qui va faire germer l’idée de MoovOne. C’est l’explosion des MOOCs (Massive Open Online Course). Avec son père coach, et son frère tout juste revenu d’études aux États-Unis, ils décident de lancer ensemble un nouveau concept de coaching digital pour aider tous ces professionnels qui, comme Hugo, ressentent à un moment dans leur carrière le besoin d’être accompagné pour progresser.

L’entreprise est créée en 2014 sans financements externes. En 2015, c’est le premier gros client avec AG2R La Mondiale, suivi de 6 ans de croissance ininterrompue qui propulse MoovOne au rang de leader et acteur de référence du marché du coaching digital. Les grosses références clients se multiplient avec Saint-Gobain, Crédit Agricole, La Poste, Vinci… 80% des sociétés du CAC40 font appel à eux. Ils sont 100 personnes à servir 20,000 personnes en 30 langues grâce à un réseau de 500 coaches rigoureusement sélectionnés dans le monde entier.

En 2021 c’est la sortie par le haut avec la cession au leader européen CoachHub à la fin d’un processus d’enchères auquel participent les poids lourds mondiaux du secteur.

Depuis 2022, Hugo est devenu business angel avec la gestion active d’une quarantaine de participations en direct.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur  ?

J’avais envie de créer un patrimoine en me faisant plaisir. De capter plus de cette valeur que je créais dans le cadre de mon activité. La seule façon d’y parvenir était de contrôler le capital et les actifs que l’on fait travailler pour créer de la valeur. Je devais tenter le coup. Dans le pire des cas j’accumulais de l’expérience. Et puis l’environnement corporate classique avec ses strates hiérarchiques, son système de progression et sa politique interne, ne me convenait pas. Je suis trop anticonformiste et indépendant pour m’adapter à cet environnement.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

L’entrepreneur ne peut pas être seul à porter l’initiative, la vision et la mission de l’entreprise. Il a besoin de relais d’influence, d’action, et de persévérance qui rendent le succès possible. En revanche il est le seul à assumer la responsabilité et « la charge de l’âme » de l’entreprise. C’est son chemin. Il doit mener son combat lui-même face aux éléments. C’est cette quête qui le différencie des autres forces vives de l’entreprise. Une quête qui hante parfois ses nuits. À la fois un fardeau et une expérience formidable et unique.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Elle est multiforme.
Quand on parle de création de valeur la première chose qui me vient à l’esprit c’est la disruption. Un terme (trop ?) souvent utilisé et pourtant très pertinent. La création de valeur passe par la transformation et le changement du réel. On ne crée pas de valeur seulement en faisant plus. On en crée en faisant mieux ; ce qui permet de faire plus.

Il s’agit de casser les codes établis, trouver des alternatives, des différences par rapport à ce qui existe. Qu’il s’agisse du positionnement du produit, du marché, de la façon de faire. C’est ce qui distingue les startups qui visent une ligne de crête de changement, par rapport aux grosses entreprises.

La création de valeur passe aussi par une nouvelle façon de penser les organisations en opposition au modèle traditionnel d’hyper-hiérarchisation, d’hyperspécialisation, pour libérer le partage de valeur avec les collaborateurs et leur engagement total et durable dans le projet.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Baisser les charges et mieux rémunérer pour embaucher plus et mieux. Le travail coûte trop cher en France. C’est dommage car les entreprises ont de gros besoins. Le coût du travail pousse nombre d’entrepreneurs à faire trop souvent des compromis. Le système pousse à toujours essayer de faire plus avec moins en tirant sur la corde.

b/ Laisser l’entrepreneur créer. Donner de l’espace et de la liberté à l’innovation. Arrêter de sur-légiférer sur des sujets émergents du type IA, ou blockchain par exemple. Les contraintes du système français poussent à créer ailleurs.

c/ Rapprocher dans le système éducatif les savoirs fondamentaux des savoirs pratiques, notamment la connaissance du monde de l’entreprise et le développement personnel. À quand les cours de vente à l’école ?

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