Parole d’entrepreneur
novembre 2020
Gaspard d’Andigné, cofondateur de Lalide à Paris, maison de «homewear»
Lalide à Paris est née d’une intuition d’Adelaïde d’Andigné, créatrice textile réputée et de la fougue de son fils, Gaspard, notre entrepreneur du mois. Intuition ? Celle d’une Parisienne raffinée qui sent que le marché du vêtement d’intérieur, en pleine expansion, a besoin d’une marque qui rende grâce à la subtilité de l’«Esprit Français», celui des belles matières, des imprimés délicats et des finitions parfaites. Fougue ? Celle d’un garçon de 28 ans, diplômé de l’ESCP, qui œuvre alors chez BlaBlaCar, dans l’équipe «New Business», chargée de développer l’étranger et de créer de nouvelles activités (Bus, Assurance, etc.) dans les pays où BlaBlaCar existe déjà.
Du covoiturage au pyjama chic, il y a certes un monde, que Gaspard d’Andigné franchit vaillamment en juin 2019, date de création de Lalide à Paris… Quelques mois plus tard, le confinement lié à la pandémie et … l’épidémie de télétravail qui en résulte le confortent dans son choix : le vêtement d’intérieur ne s’est jamais si bien porté ! Cela s’appelle avoir le nez creux … La production de la maison Lalide à Paris qui mise essentiellement sur le made in France (4500 mètres de coton français, tissé près de Lyon, ont déjà été assemblés et cousus en Vendée !), les savoir-faire artisanaux et la durabilité de ses produits, est aujourd’hui vendue aux États-Unis et au Japon. Elle totalise 100 000 euros de chiffre d’affaires pour son premier d’exercice. Quatre « collections- capsules » annuelles viennent régulièrement enrichir l’offre du site internet (lalideaparis.com) qui reste son principal point de vente.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
Devenir entrepreneur n’a jamais été mon but. Je ne partage pas la vision de l’entrepreneuriat comme fin en soi ou mode de vie, bien qu’elle soit très répandue parmi mes anciens camarades de promotion.
Je suis devenu entrepreneur pour défendre une vision. Celle d’un vêtement d’intérieur à la française. J’étais convaincu qu’il y avait une place à prendre dans cette industrie. Par ailleurs, j’ai été particulièrement motivé par une singularité qui définit Lalide à Paris : la complémentarité mère/fils, créativité/affaires, femme/homme, baby-boomer/millenial.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
Le chef d’entreprise n’est pas le seul à entreprendre, mais c’est sans doute celui qui doit entreprendre le plus.
Si l’on s’en réfère à la définition que nous donne le Larousse (entreprendre : “commencer à exécuter une action, en général longue ou complexe”), tous les associés entreprennent puisque chacun contribue au bon démarrage du projet. Les 5 ou 10 premiers collaborateurs, ceux qui mettent en place le fonctionnement de l’entreprise, adaptent et déclinent leur métier pour faire naître la société, mais c’est toutefois au chef d’entreprise que revient l’initiative principale, celle qui donne à l’aventure son âme et son souffle vital.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La création de valeur, pour un entrepreneur, me semble être l’apport marginal de son entreprise à son environnement. Il m’est longtemps apparu que la création de valeur n’avait de sens que grâce à l’inventivité. Je suis désormais convaincu que l’inventivité n’est pas le seul facteur. La création de valeur d’un entrepreneur réside dans une myriade d’éléments qui lui permettent d’apporter un plus à la Société : la créativité, la mise en relation des bons acteurs, la défense de ses propres valeurs, la persévérance dans la difficulté, etc.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer le développement des entreprises françaises ?
Les jeunes entreprises françaises ont un environnement favorable pour se développer. D’une part il existe de très bonnes infrastructures publiques (routes, accords douaniers, réseaux de communications, etc.). D’autre part, nous bénéficions d’une très bonne image de la “marque” France (excellente réputation de la French Tech, rayonnement du luxe à la française, spécificités culturelles reconnues).
Toutefois, il y a trois axes d’amélioration principaux pour alléger la tâche de l’entrepreneur :
1- simplifier les démarches administratives
La création d’une entreprise avant même de parler de création de valeur est un chemin de croix durant lequel l’entrepreneur perd un temps et une énergie précieux avant même de savoir si son projet a des chances d’aboutir. La mise en place d’un statut intermédiaire de création, limité à quelques mois, permettrait aux entrepreneurs de tester leur idée sans écoper de démarches trop lourdes au départ.
2- alléger le fardeau fiscal (le rendre plus progressif)
En France, les taxes sont partout, de la TVA aux charges sociales et patronales, en passant par les impôts pour les entreprises. Bien que cela contribue à la mise en place de bonnes infrastructures nationales, le manque de progressivité dans ces impôts est un obstacle important pour l’entrepreneur. Ce dernier pourrait être contourné par la mise en place de paliers plus clairs dans l’imposition d’une entreprise naissante.
3- agréger les intelligences pour favoriser l’exportation :
la connaissance de ses marchés cibles est l’une des clés de la réussite d’une entreprise dans son développement international. Par conséquent, l’État devrait systématiquement mettre en place une base de données par industrie avec des chiffres de marché à jour. De la même façon, des instances publiques pourraient procurer aux entreprises une liste de contact d’acteurs locaux (acheteurs, fournisseurs, agents, etc.), alimentée par une antenne locale (consulat, ambassade ou autre) qui semble pourtant exister sur le papier…