Parole d’entrepreneur
décembre 2014
Frédéric Messian, Président de LONSDALE GROUP
Lonsdale, créée en 1961, est une agence spécialisée dans le management de marques (Branding) et le Design.
Lonsdale regroupe trois activités principales toutes fortement irriguées par le digital:
– le Brand packaging (Créer, déployer et animer les marques produits)
– le Corporate design (Construire des identités visuelles & définir des contenus éditoriaux)
– le Retail design (Concevoir, réaliser et déployer des points de vente).
Redevenue indépendante en 2007 suite à son rachat par Frédéric Messian, Lonsdale réalise en 2014 un chiffre d’affaires de 15 M€ d’honoraires et emploie 120 personnes dont plus de la moitié sont des designers.
Lonsdale travaille pour les plus grandes marques françaises et internationales (AXA, Casino, Orange, Nestlé, GDF SUEZ, BNP PARIBAS, Henkel, Unilever…).
Après des années dans de grands groupes de communication, pourquoi être devenu entrepreneur ?
En réalité j’ai le sentiment d’avoir toujours été un entrepreneur, y compris au sein des grands groupes dans lesquels j’ai pu exercer au cours de ces 20 dernières années.
Si être entrepreneur, c’est être créateur, alors je l’ai vraiment toujours été en donnant naissance à des filiales autonomes d’abord chez Publicis, puis chez TBWA ou encore chez Havas.
C’est à chaque fois la même envie, j’allais dire le même besoin de « reprendre la route », de développer une nouvelle idée, de la transformer en un projet d’entreprise puis de s’atteler à son développement. C’est la même poussée d’adrénaline !
Si être entrepreneur, c’est savoir définir une vision claire et se donner les moyens de l’atteindre, j’ai là aussi l’impression de l’avoir toujours été.
Si être entrepreneur, c’est penser à « son » entreprise, quasiment 24/24, 7 jours sur 7, alors j’ai ici encore le sentiment de l’avoir toujours été.
Entreprendre au sein d’un groupe a bien sûr des aspects spécifiques. La responsabilité « ultime » des décisions, notamment des plus importantes est partagée. Le risque aussi ! C’est pour une large part de « l’argent des autres » dont il s’agit. Le mot même de trésorerie ne figure pas au vocabulaire du patron de filiale, « cash pooling » oblige…
Le passage au statut d’entrepreneur indépendant doit relever d’une ambition clairement et mûrement analysée. Il ne suffit pas de vouloir être libre, de pouvoir mesurer « en vrai » sa capacité à créer de la valeur. Attention à l’égo hypertrophié qui conduit beaucoup d’entrepreneurs dans l’ornière. Attention à ne pas être uniquement attiré par des arguments financiers.
Vouloir être « seul maître à bord » ne se conçoit que dans la poursuite d’un projet ambitieux et original. Pouvoir faire mieux, plus vite, plus loin sont les moteurs sous-jacents de la création ou de la reprise d’une entreprise.
Et puis bien sûr le goût du risque, qui au final fait toute la différence entre le salarié-dirigeant et celui qui joue toute sa vie à travers son entreprise : son épargne, ses revenus, sa protection sociale…
Nos gouvernants devraient se souvenir de ce point quand ils souhaitent faire évoluer notre système fiscal !
Le chef d’entreprise est-il seul à entreprendre ?
Même si la réponse peut paraître choquante aujourd’hui, dans une époque où il est de bon ton de vanter les aventures collectives, je crois que oui ! Il n’y a rien de plus solitaire que l’acte d’entreprendre, même si parfois on entreprend à plusieurs.
L’idée, la vision du projet, l’énergie permanente pour le faire vivre dans la bonne direction, le risque financier sont souvent l’apanage d’un seul.
L’entreprenariat est donc relativement « solitaire », même si la vraie qualité est celle de savoir s’entourer des meilleurs. Une entreprise ne peut se développer qu’en y associant d’autres talents humains, différents et complémentaires. L’entrepreneur doit alors faire partager son projet par les équipes, pour que chacun puisse se l’approprier. Souvent, l’entrepreneur ouvre son capital aux managers clés, parfois plus largement. L’entrée d’un investisseur financier, outre les ressources financières qu’il apporte, est aussi un moyen de créer un nouveau niveau d’échange pour faire avancer l’entreprise.
Pour vous qu’est-ce que la création de valeur ?
La création de valeur est par essence multiple. Financière bien sûr, elle est également technologique, culturelle ou sociale. L’important est d’être capable de la mesurer. Elle est pour moi indissociablement liée à l’idée de progrès. La valeur se crée lorsque l’on développe une innovation ou un nouveau process. Elle se crée bien sûr lorsqu’elle génère de la richesse, qui, par les canaux de redistribution, va irriguer des territoires. Elle se conçoit évidemment lorsque des emplois nouveaux et convenablement rémunérés sont créés.
Créer de la valeur, c’est bousculer les idées reçues, challenger les situations de monopoles.
Dans nos métiers de prestations intellectuelles, business to business, au service d’autres entreprises, nous sommes créateurs de valeur à un double niveau :
Celui de notre entreprise où en bousculant les habitudes et en croisant systématiquement les talents de nos équipes, nous inventons de nouvelles façons de travailler.
Celui de nos clients, où les projets de design (un nouveau positionnement d’entreprise, un lancement de produit, la conception d’un nouveau concept de point de vente ou encore un projet digital innovant) deviennent de plus en plus souvent des leviers de transformation puissants. Parfois même nous devenons des « designers de service » et créons de nouveaux territoires de conquête commerciale pour nos clients.
Quelles sont les trois mesures que vous prendriez pour améliorer le développement des entreprises françaises ?
Je répondrai évidemment avec un fort tropisme de patron de PME.
Il faudrait prioritairement poursuivre le grand chantier du financement des entreprises, aux prises avec des problématiques de trésorerie dramatiques qui conduisent trop d’entreprises économiquement bien portantes à la catastrophe. Il serait fondamental de prendre une mesure phare : amener par exemple les grandes entreprises françaises à de nouvelles conditions de règlement de leurs prestataires et instaurer par exemple un délai de 30 jours, calculé sur le début réel de la mission, et non plus sur la date de facture lorsque l’on connaît les difficultés à obtenir un bon de commande !
Ensuite, il faudrait assurer, constitutionnellement, un paysage fiscal stable, qui permette de rassurer les entreprises et les entrepreneurs. Rien n’est plus anxiogène et démotivant que de devoir avancer sur des sables mouvants, avec le risque permanent de voir les règles sur lesquelles un projet a été bâti, remises en question.
Il serait enfin nécessaire de simplifier le code du travail.
La situation actuelle est préjudiciable aux entreprises qui par exemple hésitent parfois à franchir une certaine taille de peur d’alourdir considérablement leur fonctionnement.
Elle l’est surtout pour les salariés ! La France est devenue recordman d’Europe du CDD. Leur nombre ne cesse d’augmenter et leur durée de diminuer. Cette précarisation d’une grande partie des salariés, et notamment des plus jeunes et des moins bien formés, n’est pas supportable.
Ces trois thèmes commencent à être régulièrement abordés dans les media. Passons maintenant à l’action !