Il nous l'avait bien dit
avril 2018
Finances publiques : Le cours élémentaire de Jean-Baptiste Say
Dans son « Catéchisme d’Économie Politique », Say souhaite publier un cours élémentaire sous forme de dialogue. Les leçons qu’on y trouve sur les finances publiques (notre point économique du mois) ne sont pas très éloignées de celles données récemment par un autre illustre enseignant dans une petite classe de Normandie…
Dans quels buts les gouvernements font-ils des emprunts ?
« Dans le but de subvenir à des dépenses que les rentrées ordinaires ne suffisent pas pour acquitter. »
Avec quoi paient-ils les intérêts des emprunts qu’ils font ?
« Ils les paient soit en mettant un nouvel impôt, soit en économisant sur les dépenses ordinaires une somme annuelle suffisante pour payer cet intérêt. »
Les emprunts publics sont donc un moyen de consommer des capitaux dont les intérêts sont payés par la nation ?
« Vous les caractérisez bien. »
Quels sont les prêteurs ?
« Les particuliers qui ont des capitaux disponibles, lorsqu’ils supposent au gouvernement emprunteur la volonté et le pouvoir d’acquitter exactement les engagements qu’il contracte avec eux. »
Puisque le gouvernement représente la société, et que la société se compose des particuliers, c’est donc dans les emprunts publics la société qui se prête à elle-même ?
« Oui c’est une partie des particuliers qui prête à la totalité des particuliers, c’est à dire à la société ou à son gouvernement. »
Quels effets produisent les emprunts publics par rapport à la richesse générale ?
« L’emprunt, en lui-même ne l’augmente ni ne la diminue, c’est une valeur qui passe de la main des particuliers aux mains du gouvernement ; c’est un simple déplacement. Mais comme le principal de l’emprunt, le capital prêté, est consommé à la suite de ce déplacement, les emprunts publics entraînent une consommation improductive, une destruction de capitaux. »
Le capital ainsi prêté n’aurait il pas été consommé de même s’il fût resté entre les mains des particuliers ?
« Non, les particuliers qui ont prêté un capital avaient l’intention de l’investir et non de le consommer. S’ils ne l’eussent pas prêté au gouvernement, ils l’auraient prêté à des gens qui l’auraient fait valoir ; dès lors ce capital aurait été consommé reproductivement au lieu de l’être improductivement. »
Le revenu total de la nation est-il augmenté ou diminué par les emprunts publics ?
« Il est diminué, parce que tout capital qui se consomme entraine la perte du revenu qu’il aurait procuré s’il avait été investi. Cependant le particulier qui prête ne perd pas de revenu, puisque le gouvernement lui paye l’intérêt de ses fonds. Ceux qui font cette perte sont les contribuables qui fournissent l’augmentation d’impôt dont on paie les intérêts, ce qui occasionne pour eux une diminution de revenu. »
Quelle est la situation la plus favorable où puisse être une nation relativement au crédit public ?
« C’est lorsqu’elle est toujours en état d’emprunter et qu’elle n’emprunte jamais. »
Say nous explique bien que la dépense publique excessive et essentiellement allouée à la consommation, finit par peser sur l’ensemble des contribuables. Notre situation est encore plus défavorable que celle qu’il décrit, car il ne l’imagine pas : 60% de notre dette étant détenue par l’étranger c’est la même proportion des intérêts qu’elle coûte (40 milliards, soit plus que le budget de la Défense) qui est versée aux créanciers étrangers. La dette publique c’est donc aussi une question de souveraineté nationale. La Grèce en a fait l’expérience…
Catéchisme d’Économie Politique. 3e édition 1826.