Analyse économique
avril 2022
Fin du dividende de la paix pour les pays européens…
Cette expression « dividende de la paix » a fait florès dans les années 90 lorsque les pays occidentaux ont tiré comme conclusion de l’effondrement de l’empire soviétique qu’ils avaient gagné la guerre froide et que la fin de l’histoire était proche, pour reprendre les termes de Francis Fukuyama. Dans cette optique, la probabilité de conflits de haute intensité entre grands États ayant fortement diminué, le leadership militaire américain étant incontesté, le maintien des armées dans leur format précédent n’avait plus guère de sens. Les dépenses militaires constituaient donc un gisement d’économies important pour financer d’autres postes de dépenses ou bien pour réduire les impôts.
Comme le montre le graphique ci-dessous, ces dividendes de la paix ont représenté des montants conséquents. Entre 1975 et 1988, alors même qu’ils n’étaient plus engagés au Vietnam, les États-Unis dépensaient environ 5,8% de leur PIB pour la défense, le Royaume-Uni 5,0% et l’Allemagne et la France autour de 3,0%. A la fin des années 90, ces dépenses avaient été ramenées respectivement à 3,1%, 2,5%, 1,4% et 2,2%.
Dépenses militaires en pourcentage du PIB
Entre 1990 et 2000, les États-Unis ont ainsi réduit de 25% leurs dépenses militaires en volume, le Royaume-Uni de 20%, la France de 12% et l’Allemagne de 30%. Il faut dire qu’en même temps, les dépenses militaires de la Russie étaient divisées par deux. Inversement, la Chine avait doublé les siennes, mais elles ne représentaient au tournant du millénaire que 7% des dépenses américaines. A la fin des années 1990, les dépenses militaires mondiales sont inférieures d’un tiers au niveau de la fin des années 1980.
Depuis 2000, la tendance s’est inversée. A l’échelle de la planète, les dépenses militaires ont doublé en volume. Les Européens de l’ouest ont peu ou prou maintenu leurs dépenses au même niveau sur la période. Le 11 septembre, deux guerres suivies d’occupations longues ont amené les États-Unis à faire croître leurs dépenses militaires de 92% en volume, mais sur la période le PIB américain a progressé de plus de 50% en volume. L’évolution la plus impressionnante concerne le reste du monde, où les dépenses militaires ont triplé. C’est notamment du fait de la Chine qui a multiplié par cinq ses dépenses militaires. Et d’autres pays comme l’Arabie Saoudite, l’Inde mais aussi la Russie et l’Ukraine ont contribué à cette tendance.
Dépenses militaires en pourcentage du PIB, Mds USD aux prix de 2019
L’attaque de l’Ukraine par la Russie a déclenché une prise de conscience chez les Européens de l’ouest. L’Allemagne a notamment déclaré vouloir consacrer 100 Mds EUR à la défense mais ce montant total, équivalent à 2,8% du PIB sera dépensé sur plusieurs années. Il faudra sans doute dépenser bien davantage si les européens veulent accompagner leur soft-power (pouvoir d’influence) d’éléments de puissance plus tangibles. Cette augmentation des dépenses militaires constituera un facteur supplémentaire de dépense publique, rendant plus urgent la recherche d’économies sur d’autres postes de dépenses.