Parole d’entrepreneur
octobre 2018
Didier Oudin – Groupe Arom
Didier Oudin a fondé et dirige le groupe Arom, traiteur, qui a remporté les appels d’offres du Nouveau Stade de Bordeaux et de la Cité des civilisations du vin.
Titulaire d’un BTS de gestion hôtelière et d’un MBA HEC 98, Didier Oudin a toujours travaillé dans l’univers de la restauration. Il a tenu de 1984 à 1994 trois établissements à Paris avant de prendre la direction générale de Scott et Mauduit, vendue en 2004 au Groupe Butard Enescot.
En 2005, il quitte le groupe en lui rachetant les parts de la société Lacoste Traiteur qu’il fait passer en 10 ans de 1,9 M€ à 11 M€.
Il crée la holding Arom qui chapeaute 4 traiteurs : Lacoste Traiteur, La Grif’Gourmande, et Signature by…, et plus récemment Les Deux Coudes sur la Table , une activité plateaux-repas et coffrets cocktails : Dabbawala, La Boulangerie AROM, et un restaurant et salle de réception : Le Carré du Lac.
Le nouveau siège de 1700 m2 à Eysines devient le plus grand laboratoire traiteur du sud-ouest. Le groupe vise un CA de plus de 20 M€ avec plus de 200 salariés équivalents temps plein à échéance 2020.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
Je suis né entrepreneur. Mon père m’a transmis la fibre entrepreneuriale.
Son indépendance et son rapport au travail m’ont toujours plu.
Quand on est entrepreneur, on a un rapport au travail qui est beaucoup plus puissant que lorsque l’on travaille pour quelqu’un. Dès le début de ma carrière, j’ai eu des restaurants et j’ai tout de suite « attaqué dans le dur ». La crise de la quarantaine m’a bien poussé à faire un petit détour chez un patron, mais celui-ci a eu l’intelligence de se rendre compte que j’étais avant tout un entrepreneur. J’ai donc réussi à être un patron…chez un patron.
J’ai toujours été programmé pour ça.
Le confort ne me va pas. J’aime bien me mettre en danger même si c’est souvent compliqué.
J’ai besoin d’être dans l’action, pas dans la contemplation du temps qui passe.
2)Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
S’il est mauvais oui.
Le but est au contraire de développer un esprit dans l’entreprise qui permette aux gens de se libérer et d’entreprendre, chacun à leur niveau.
La seule chose que l’entrepreneur est seul à prendre c’est le risque d’entreprendre. Cette fameuse épée de Damoclès que les salariés n’ont pas au-dessus de la tête.
Mais tout ça doit changer. Demain il faudra donner dans l’entreprise plus de participation et de vie aux gens qui le souhaitent pour qu’ils aient vraiment un rôle d’entrepreneur, qu’ils participent à la prise de risque, et au partage de la valeur créée.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La réponse évidente serait l’argent et plus d’argent. Mais je me rends compte que ça n’est pas ma finalité personnelle.
Avec les volumes que l’on gère, quelques points âprement négociés ici et là nous permettraient de générer des marges plus confortables, mais ça n’est pas mon combat personnel. C’est plutôt celui de mes équipes.
Ma création de valeur c’est de créer de la valeur pour les gens qui m’entourent dans l’entreprise, tous ceux qui portent et développent nos activités avec enthousiasme et intelligence, sans compter.
Pour moi la création de valeur se fait essentiellement sur l’humain. Je me battrai toujours pour que l’entreprise crée de la valeur pour tous ces gens qui nous ont amenés ici et qui travaillent avec moi.
Comme je me battrai pour garder le plus possible la valeur créée au sein de l’entreprise pour qu’elle soit partagée entre ceux qui l’ont créé plutôt que prélevée et redistribuée sans rapport avec le travail qui l’a créée.
4) Quelles sont les trois mesures que vous prendriez pour améliorer le développement des entreprises françaises ?
1. Diminuer les prélèvements sociaux pour augmenter proportionnellement les rémunérations et ainsi relancer la consommation et l’activité.
La diminution des charges en soi est un combat d’arrière-garde. C’est comme la diminution
de la TVA, ça n’apporte rien sur le long terme.
Sauf si les 43 points qui sont prélevés devenaient 20 et que la différence profite directement
aux salariés.
2. Revoir le rôle du système bancaire dans le financement des PME comme la mienne.
Nous comprenons bien que les banquiers ne sont pas là pour « jeter l’argent par les fenêtres », mais il faut savoir qu’aujourd’hui on ne prête pas à une entreprise comme la mienne sur un secteur d’activité traditionnel.
Et si on ne me prête pas, je ne peux pas développer.
Les activités traditionnelles souffrent d’une concurrence déloyale de la part des nouveaux acteurs face au financement bancaire. Avec des historiques connus de rentabilités bien plus raisonnables que les promesses des nouveaux « business models » des start-ups de la nouvelle économie, il est souvent difficile d’obtenir le soutien des banques.
Tous les banquiers que je reçois sont impressionnés par notre parcours et ce que nous sommes devenus, mais absents lorsqu’il s’agit de nous fournir le levier financier nécessaire pour franchir nos prochaines étapes de développement.
Alors que de notre côté, ce ne sont pas les idées ni l’envie qui manquent…
3. Mener une lutte sans merci contre les fraudeurs qui tuent le système
Halte à l’AT ! L’AT est notre ennemi !
L’arrêt de travail tue le système. Avec toutes ses conséquences dans le fonctionnement des entreprises : coûts associés, temps passés à trouver des solutions alternatives et désorganisation des processus internes.
Il y a beaucoup trop d’abus dans la gestion des arrêts de travail, et dans une industrie comme la nôtre, l’arrêt de travail c’est un peu l’arrêt de mort…
En tant que chef d’entreprise, je ne compte plus les contrôles fiscaux. Je ne vous cache pas que j’aimerais parfois voir le même zèle se déployer côté social et arrêts de travail…