Parole d’entrepreneur
juillet 2019
Delphine LASSUS – Peintures LAGAE
Après une maîtrise de droit privé à Paris II et un master à l’ESC Reims, Delphine commence sa carrière dans la banque avec des responsabilités commerciales successivement chez BNP Paribas et Banque Worms.
Très vite le besoin de s’engager dans un projet plus personnel la conduit à prendre, avec son frère, la succession de son père à la tête de l’entreprise familiale de production industrielle de peintures.
Dans un monde industriel plutôt « musclé »… Delphine, chef d’entreprise joyeuse et dynamique, et mère de deux enfants, dirige avec son frère depuis près de 20 ans Peintures LAGAE, leader français des peintures à destination des professionnels du bâtiment et des particuliers, un marché soutenu par des produits toujours plus techniques et pointus.
Les peintures LAGAE allient la qualité et les performances des peintures professionnelles tout en s’assurant de rendre ces produits accessibles et faciles d’utilisation pour le grand public, grâce notamment à des applications possibles sur tout type de surface : le carrelage, les crédences, le bois, les plastiques, le verre, …
Créée en 1929, par les frères Lagae, Peintures LAGAE est une entreprise familiale, indépendante, et française avec un atelier historique de production à Aubervilliers, reprise par le grand père et le père de Delphine, alors tous deux ingénieurs chimistes au sein de la société. Fortement impliquée tant au niveau écologique que social, elle s’engage pour soutenir le tissu économique local, préserver l’environnement, minimiser les coûts de distribution, et recherche activement des fournisseurs de proximité prêts à s’inscrire dans cette démarche.
1) Pourquoi être devenue entrepreneur ?
C’est un concours de circonstances, je ne me prédisposais pas à ça. Et en même temps je pense que c’était inscrit. Ayant été éduquée par un entrepreneur, j’ai toujours eu du mal à me soumettre à un carcan, donc c’était un peu programmé. Au début de ma carrière alors que je travaillais dans la banque. J’avais du mal à me projeter dans le style de management de mes supérieurs hiérarchiques, dans leur façon très compliquée d’aborder les choses et de prendre, ou pas, des décisions.
Je trouvais cette incapacité à aller vite à l’essentiel extrêmement frustrante. J’ai vite réalisé que je ne supporterai pas le poids d’une telle hiérarchie et d’une telle inertie dans la prise de décision et dans l’action.
Cette prise de conscience coïncide avec la décision que mon père doit prendre à ce moment-là, soit de céder son entreprise soit de la transmettre. C’était la première fois que nous évoquions cette possibilité, nous n’en avions jamais vraiment parlé auparavant. Je décide donc de saisir l’opportunité de me lancer à mon tour en reprenant la société. Mon frère viendra rapidement me rejoindre pour cogérer l’entreprise familiale.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
Oui et non. Oui car c’est l’entrepreneur qui donne l’impulsion, mais Non car seul il ne peut pas y arriver.
Dans toute entreprise le chef d’entreprise se nourrit des idées des autres. Il a cette capacité à transformer de simples idées en possibilités. C’est certainement cette capacité qui le caractérise. Mais il a besoin d’être stimulé par les idées et les expériences des autres. Au détour de discussions, de rencontres, de collaborations.
Le fait d’entreprendre est de ce point de vue avant tout une expérience collective. Le rôle du chef d’entreprise est de rendre possibles ces échanges et de mettre en musique l’action collective.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La valeur ne peut pas être uniquement ramenée à sa dimension financière. Elle intègre le développement des compétences, l’amélioration des processus et de la productivité qui permet de grandir et d’embaucher, le bien-être au travail et le bonheur de venir le matin travailler ensemble, l’épanouissement de chacun.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?
A – Revaloriser le travail. Faire en sorte que venir travailler rapporte plus que de rester chez soi à toucher des allocations. Sortir des aberrations de notre système d’assistance qui pourrit le monde de l’entreprise. Certains préfèrent parfois moins travailler pour moins gagner et préserver ainsi le bénéfice d’aides du type CMU et donc transport gratuit, aide au logement…
Il s’agit d’éliminer la concurrence déloyale de notre système d’assistance au détriment du travail. Travailler doit être une fierté et un moyen de progresser et de mieux gagner sa vie.
B – Baisser les charges sociales. À condition de faire profiter les salariés de cette baisse. En tant que chef d’entreprise je suis prête à verser les mêmes sommes qu’aujourd’hui si le différentiel est versé en complément de salaire et de pouvoir d’achat à mes salariés. Beaucoup de mes ouvriers sont payés entre 1 600 et 1 900 euros bruts par mois. Comment peut-on se loger et vivre à Paris avec un tel salaire ? Augmenter leur rémunération en utilisant les baisses de charges permettrait de les motiver. Ils seraient mieux, ils gagneraient mieux leur vie, ils viendraient travailler avec plus de plaisir.
C – Rendre la R&D accessible aux PME. Nous avons souvent des idées de développement mais que nous ne pouvons pas pousser seuls. Et nous sommes certainement beaucoup à être confrontés aux mêmes barrières à l’innovation en termes de ressources. Mutualiser des ressources entre entreprises intéressées par les mêmes innovations pour transformer des idées en applications et en produits concrets serait un véritable accélérateur de développement et de croissance.