Analyse économique
mars 2020
Coronavirus : entre risque et incertitude
La réaction brutale des marchés a l’épidémie de Coronavirus est l’occasion de revenir sur une distinction importante dans la pensée économique entre deux notions qui renvoient au fait que nous ne connaissons pas l’avenir : le risque et l’incertitude. La distinction a été établie par un économiste américain, Frank Knight (1885-1972) dans son ouvrage Risque, Incertitude et Profit publié en 1921.
Pour résumer, le risque est probabilisable là où l’incertain ne l’est pas.
Le premier renvoie typiquement aux risques qu’un assureur va pouvoir assurer. Par exemple, on sait qu’en moyenne, un automobiliste a une certaine probabilité d’avoir un accident. Celle-ci peut être estimée sur la base des données historiques d’accidentalité. Ceci va permettre à un assureur de déterminer le nombre moyen d’accidents qu’il aura à assurer sur la population de ses assurés et donc de fixer les primes pour couvrir son risque.
C’est un peu la même chose pour les actifs financiers par rapport au cycle économique classique. D’une certaine manière, chaque investisseur va prendre ses décisions sur la base d’une distribution possible de chiffres de croissance. Un investisseur confiant, qui pense que la croissance a une probabilité forte d’accélérer sera prêt à détenir davantage d’actifs réputés risqués mais au rendement plus élevé, comme les actions, et moins d’actifs réputés sans risque offrant un rendement plus faible. Un autre investisseur aura peut-être une autre vision. C’est la confrontation de toutes ces visions qui va définir un prix d’équilibre pour les actifs financiers.
L’incertitude fait quant à elle référence à un risque qui n’est pas mesurable, par manque d’information, de données. C’est cette incertitude qui paralyse les marchés financiers aujourd’hui. Comment va évoluer l’épidémie d’un virus dont on découvre tout juste les propriétés ? Comment les économies vont-elles s’adapter aux mesures de prophylaxie ?
Celles-ci seront-elles partout aussi drastiques qu’en Chine ou plus mesurées comme En Corée ? Pour quelle durée ? Autant de choses impossibles à mesurer a priori qui paralysent les agents économiques.
C’est d’ailleurs pour ça que ce genre de crises, comme d’autres chocs exogènes tels que les attentats, voient leur effet sur les marchés diminuer avec les occurrences. La première plonge les investisseurs dans le noir le plus complet mais lors des suivantes, ils disposent de précédents historiques qui permettent d’évaluer ce que sera l’impact sur l’économie.
Reste donc à espérer que cette épidémie sera la plus courte possible et fera le minimum de victimes. Et ainsi, tous les agents économiques pourront revenir à leurs petits calculs !