Analyse économique
juin 2021
Comment mesurer l’impact de la crise sur les entreprises européennes ? Après la macro, la vision micro.
En février dernier, nous avions déjà évoqué la question de l’impact de la crise COVID sur les entreprises grâce aux données macroéconomiques. Celles-ci faisaient état d’un impact moins négatif que ce que l’on aurait pu craindre initialement. Nous évoquions le manque de données microéconomiques pour répondre complètement à la question. L’établissement des comptes 2020 permet de se faire une idée plus détaillée de l’impact de la crise sur les entreprises avec une plus grande granularité.
Le message d’un impact plus modéré qu’anticipé semble effectivement encore d’actualité.
En France, l’ordre des experts comptables a récemment publié une étude des liasses fiscales de PME de moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Sur la base de ces données, un grand nombre de secteurs ont vu leur chiffre d’affaires reculer mais dans des proportions très différentes. En moyenne, la baisse a atteint 7%, mais avec des baisses de « seulement » 4% pour la construction et 6% pour l’industrie manufacturière quand les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie voyaient leurs chiffres d’affaires baisser entre 29 et 34% et le secteur des salons et congrès de 36%. Seul le commerce d’alimentation générale tire son épingle du jeu à +9%.
Ce dernier secteur a d’ailleurs vu son résultat net bondir de 40%. L’efficacité des dispositifs d’aide se fait voir dans le contraste entre l’évolution du chiffre d’affaires et celle du résultat net. C’est ainsi que malgré une baisse forte du chiffre d’affaires, le secteur de la restauration (traditionnelle ou associé à l’hébergement) a vu son résultat net progresser sur l’année dernière, les aides permettant à ce secteur à faible marge de plus que compenser la baisse d’activité. En revanche le secteur de l’hôtellerie dont la structure de coût est différente, du fait des charges immobilières notamment, voit son résultat baisser nettement. Pour l’ensemble des PME de l’échantillon, le résultat net a progressé de 2% et leur dette brute a augmenté de 9%.
Dans le cadre de son activité de cotation, la Banque de France a également analysé les données de bilan de plus de 200 000 entreprises arrêtant leurs comptes entre le 30 juin 2020 et début 2021 et réalisant plus de 750 000 euros de chiffre d’affaires. Sur l’échantillon étudié par la Banque de France, 27% des entreprises ont eu recours au PGE. Pour 73% des entreprises la trésorerie est en hausse et celles qui ont euro recours au PGE ont plutôt plus augmenté leur trésorerie que les autres. Au final, la Banque de France estime que seulement 6% à 7% des entreprises devront faire l’objet d’un suivi attentif.
Dans la publication de ses dernières perspectives économiques, l’OCDE a effectué un travail similaire sur un échantillon de 55 000 entreprises non financières des pays membres de l’OCDE et de grandes économies de marché émergentes non-membres (CA médian : 30 millions USD, total d’actif médian : 35 millions USD). Les données portent également sur l’évolution de la structure financière des entreprises. Selon cette enquête, la baisse médiane du chiffre d’affaires et des bénéfices atteint 2%. La dette a augmenté de 8%, partiellement compensée par une hausse des actifs court terme de 5%. La maturité et le taux de cette dette ont légèrement baissé. Dans ce contexte le levier des entreprises a légèrement augmenté et le ratio de couverture des intérêts s’est légèrement dégradé.
Évolution des indicateurs clés de performance entre les exercices 2019 et 2020
Les données de l’OCDE confirment le diagnostic d’une grande hétérogénéité, d’autant plus forte qu’il s’agit de données internationales donc avec différents régimes de confinement et des mesures de soutien d’ampleur variée. Seuls les secteurs de l’énergie et des services au consommateur ont vu leur bénéfice baisser de plus de 10% alors que les secteurs des semi-conducteurs, de l’informatique et de l’immobilier ont vu leur bénéfice progresser de plus de 5%.
Finalement, les différentes sources d’information confirment l’idée d’un choc largement amorti au niveau des entreprises. On a pu le voir dans les données macroéconomiques, l’investissement des entreprises a fortement rebondi. Evidemment ces données portent sur 2020 et les restrictions d’activité se sont prolongées en 2021 mais les mesures de soutien ont également été prolongées. Il faudra toutefois continuer de surveiller le rythme des faillites. Depuis un an celles-ci sont très inférieures aux normes historiques. D’autre part, le surcroit de dette pourrait peser sur l’investissement de certaines entreprises mais ce n’est pas encore le cas.
Ces éléments plaident donc pour un impact limité de la crise Covid sur la capacité de production des économies développées.