Parole d’entrepreneur
décembre 2019
Adrian Dearnell – Fondateur de EuroBusiness Media
Adrian est un ancien journaliste financier franco-américain, présentateur de Bloomberg TV. Fort de son expérience, avec plus de 3 000 interviews de dirigeants de grands groupes, il décide en 2002, à 30 ans, de créer sa propre agence spécialisée, EuroBusiness Media, pour accompagner les dirigeants dans leur communication stratégique.
Entouré d’une équipe de professionnels bilingues, expérimentés dans la finance, il coach les dirigeants et leurs équipes dans des moments clés du développement de leurs entreprises, notamment avant leurs présentations devant les investisseurs internationaux, ou avant leurs interviews dans les médias.
EBM intervient sur l’intégralité de la chaîne, de la conception des messages stratégiques jusqu’à leur communication synthétique et percutante, écrite ou orale. EBM accompagne une centaine de clients, dont les plus grands groupes français, et réalise pour eux près de 500 missions chaque année.
Adrian a publié 2 ouvrages, l’un sur l’Art de la Présentation, et l’autre sur le Media Training, aux éditions Eyrolles.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
Après plusieurs années en tant que présentateur pour Bloomberg TV, c’est le sentiment d’avoir fait le tour du sujet, et de ne pas voir de perspective d’évolution dans le métier de journaliste, qui a certainement déclenché ma décision de me lancer à mon compte.
À 30 ans, c’était l’occasion de tenter une nouvelle expérience. Si jamais ça devait ne pas marcher, j’étais encore assez jeune pour rebondir sur un autre projet professionnel.
Je n’avais plus envie d’avoir un boss. Dans les grosses organisations on reporte toujours à quelqu’un. Ça fonctionne lorsqu’on est tiré vers le haut par un leadership inspirant, comme on dit souvent. Ce qui est rare dans les grandes entreprises.
Pour moi il n’y avait plus grand-chose à espérer du système corporate dans lequel j’évoluais alors. J’ai donc décidé de lancer ma startup.
Ma décision d’entreprendre répondait aussi à mon tempérament, à la conviction que j’avancerai potentiellement plus vite seul plutôt qu’au sein d’une grande organisation dans laquelle les choses ne bougeraient pas forcément.
Entreprendre c’était pour moi reprendre la maîtrise de mon destin, et en même temps une occasion de me tester, de confirmer cette intuition que ma proposition de services, une fois confrontée au marché, était bien perçue comme créatrice de valeur.
Entreprendre est un processus de découverte de soi, de ses limites ou de son plein potentiel.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
Si l’on parle de prise de risque, non ; le chef d’entreprise n’est pas le seul à entreprendre. On peut penser qu’il est celui qui en prend le plus financièrement, mais il n’est pas le seul à prendre des risques.
Nous sommes tous en tant qu’individus preneurs de risque, mais tous ne s’en rendent pas compte. Par exemple quand on rejoint une société en tant que salarié on prend aussi un risque en pariant sur le développement de cette société.
Si l’on parle d’attitude, là encore le salarié idéal, à mon sens, est aussi un entrepreneur. Il est dans la proactivité. Il fait bouger les lignes. Il est force de propositions nouvelles pour les clients et les collaborateurs de l’entreprise.
Il est aligné avec le chef d’entreprise dans la poursuite d’un même objectif : produire une prestation de qualité et créer de la valeur pour le client. Un entrepreneur souhaite s’entourer de gens qui ont une mentalité d’entrepreneur et qui vont la mettre au service des clients de l’entreprise.
Oui, entrepreneur et salariés peuvent partager la même fibre entrepreneuriale. Certains d’entre eux pourront d’ailleurs devenir entrepreneur eux-mêmes le moment venu, bouclant ainsi la boucle.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La notion de création de valeur ne saurait se limiter à la seule valeur financière.
Certaines sociétés créent beaucoup de valeur financière mais détruisent en même temps beaucoup de valeur sociale, sociétale ou environnementale.
La création de valeur par l’entreprise est multiple.
La performance financière assure la pérennité de l’activité. C’est un peu le poumon de l’entreprise pour la maintenir en vie.
C’est la condition sine qua none pour favoriser d’autres créations de valeur telles que créer des emplois directement ou indirectement, proposer des services et des produits qui améliorent la vie des gens, ou encore transmettre des connaissances et des compétences.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?
a/ Réconcilier le monde éducatif avec le monde de l’entreprise.
Dans le type de société entrepreneuriale dans laquelle nous vivons, l’éducation est déterminante.
Il faut que les jeunes soient exposés beaucoup plus tôt aux grands fondements économiques de la société : le travail, le capital, la création d’entreprise.
Tous ces thèmes sont abordés bien trop tard dans le parcours scolaire au moment où des idées parfois farfelues ont été introduites dans les jeunes esprits par un système scolaire peu enclin à promouvoir l’entreprise.
b/ Imposer aux politiques une expérience de l’entreprise.
Il faudrait que les politiques et les hauts fonctionnaires à Bercy soient un peu moins obnubilés par les grands groupes du CAC40 et un peu plus conscients des réalités des entreprises petites et moyennes.
Ils doivent comprendre que la création et le développement d’entreprises plus petites, PME, ETI, est un enjeu économique fondamental. Et je ne parle pas là des startups qui font souvent l’objet d’une attention parfois disproportionnée des politiques qui apprécient leur exposition médiatique.
Un jour, le journal Les Echos avait confié la rédaction du journal à des grands patrons. Sur la même idée, on pourrait imaginer que l’on crée des occasions pour les politiques de vivre sur une journée ce que vivent les PME françaises, en venant y travailler « les mains dans le cambouis ». Ce serait un moyen formidable pour eux de mieux comprendre la réalité des entreprises.
c/ Faciliter les nouveaux modes de collaboration.
Il faut cesser de voir le rapport entre l’entreprise et ses collaborateurs comme une relation unidimensionnelle régie par le cadre unique du CDI.
L‘entreprise doit pouvoir combiner des modes de collaborations de natures différentes comprenant contrats de qualification, CDD, CDI, prestataires associés, ou collaborateurs indépendants et freelance.
La qualité des prestations produites par une agence de communication comme la nôtre dépend de notre capacité à associer les meilleurs talents de tous horizons au bénéfice de nos clients.
On doit donc promouvoir de nouveaux modes de collaboration win-win, sortir du modèle unique du « CDI ou rien », s’adapter aux nouveaux besoins des entreprises et aux nouvelles aspirations des collaborateurs et des professionnels indépendants.
La loi doit proposer un cadre social de référence plus souple.