Il nous l'avait bien dit
septembre 2015
Services publics : si bien servis ?
« Malgré toutes les précautions qu’on peut prendre, le public ni le prince ne peuvent jamais être ni si bien servis ni à si bon marché que les particuliers. Les agents de l’administration ne sauraient être surveillés par leurs supérieurs avec le même soin que les agents des particuliers. Et les supérieurs, eux-mêmes ne sont pas si intéressés à leur bonne conduite.
Il est facile d’ailleurs aux inférieurs d’en imposer à un chef qui, obligé d’étendre au loin son inspection, ne peut donner à chaque objet qu’une fort petite dose d’attention ; à un chef souvent bien plus sensible aux prévenances qui flattent sa vanité qu’aux soins dont le public seul profite !
« Les services publics ne sont jamais mieux exécutés, dit Smith, que lorsque la récompense est une conséquence de l’exécution et se proportionne à la manière dont le service a été exécuté. »
Non seulement le temps et les travaux des administrateurs publics sont parmi les plus chèrement payés, non seulement il y en une grande partie gaspillée par leur faute, sans qu’il soit possible de l’éviter, mais il y en a beaucoup de perdus par une suite des usages du pays et de l’étiquette des cours. Qui pourrait calculer ce que, durant plus d’un siècle, il a été perdu sur la route de Paris à Versailles, d’heures chèrement payées par le public ?
Les longues cérémonies qui s’observent dans les cours, prennent de même aux principaux fonctionnaires de l’Etat un temps considérable. Quand le prince a consacré aux pratiques religieuses, aux cérémonies d’usage et à ses plaisirs, le temps qu’ils réclament, il ne lui reste pas beaucoup de temps pour s’occuper de ses affaires ; aussi vont-elles fort mal. Le roi de Prusse, Frédéric II, au contraire en distribuant bien son temps et en le remplissant bien, avait trouvé le moyen de faire beaucoup par lui-même. Il a vécu plus que d’autres, morts plus âgés, et il a élevé son pays au rang d’une puissance de premier ordre. Sans doute ses autres qualités étaient nécessaires pour cela ; mais ses autres qualités n’auraient pas suffi sans un bon emploi du temps. »
Traité d’économie politique – 5ème éd. 1826 Livre troisième chapitre VII.