Parole d’entrepreneur
décembre 2023
Mathieu Rouppert Fondateur et président de Substances Actives
Mathieu Rouppert a grandi à Cannes, entre mer et montagne. Son père commercialise des climatisations et sa mère est régisseur au Palais des Festivals. Il arrête ses études à 16 ans avec un BEP-Électricien. Il se rend vite compte que ça ne suffirait pas et profitant des opportunités de formation proposées par l’AFPA, il part à Albi faire un Bac professionnel en électrotechnique. À 20 ans il arrive à Paris avec son Bac en poche. Il décroche ses premiers jobs en maintenance industrielle des chaînes de montage robotisées. D’abord chez Aéroport de Paris. Puis chez Peugeot Citroën où une voiture sort de la chaîne toutes les 55 secondes. Une minute d’arrêt et c’est une voiture de perdue en production. Mathieu ne travaille donc sur la maintenance préventive des chaines que le vendredi, samedi et dimanche.
Il a tout juste 25 ans et cette vie ne correspond ni à ses objectifs ni à son ambition. Il décide de rebattre les cartes, reprend des études du lundi au jeudi et décroche un diplôme de délégué pharmaceutique. Il sort major de sa promotion et fait son stage de fin d’études dans un laboratoire de prothèses dentaires dans lequel il met en pratique ses connaissances en commercial et marketing, fraichement acquises.
Avec 50 prothésistes, c’était un des plus gros laboratoires français dont Matthieu va assurer le développement commercial pendant 5 ans, et tout apprendre des métiers du secteur. Des métiers encore pratiqués de manière artisanale dans lesquels tout restait à faire. Et pour Matthieu et son expérience industrielle des flux tendus à la japonaise, « …du travail pour une vie… », pour les faire passer des plannings papier et des fiches accrochées au mur à des techniques et des outils de gestion plus performants. Passionné par l’informatique et Internet, il travaille le weekend sur des solutions et monte un premier site web pour un chirurgien-dentiste en 2006. Puis un deuxième. Il en fera 345.
En 2010, il quitte le laboratoire de prothèses et embarque dans une première aventure avec la création d’une clinique dentaire avec deux associés. Il crée au même moment sa propre agence de communication dédiée aux chirurgiens-dentistes : Substances Actives.
Cette première expérience de création lui donne envie de voler de ses propres ailes et en 2013 il cède ses parts de la clinique pour se consacrer totalement à son agence. Sur un marché français qui compte 45 000 chirurgiens-dentistes, Substances Actives réalise un chiffre d’affaires de 1 M€ avec une dizaine de collaborateurs et 800 clients.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
J’ai toujours été assez créatif en fait. Pour mes 7 ans mes parents m’ont offert un ordinateur. Un Amstrad. On codait en Basic à l’époque. Ça m’a plu. Je crois que ça correspondait bien à mon besoin de liberté pour laisser cours à ma créativité. J’aime l’indépendance de l’entrepreneur qui lui permet de créer, de réfléchir et d’agir librement. C’est cette indépendance qui me permet aujourd’hui de m’exprimer pleinement dans mon domaine d’activité, toujours tourné vers les autres, avec empathie.
C’était un choix personnel, avec un risque – au moment où je me lance je suis déjà père de famille – mais je n’ai rien lâché, ça a demandé du temps, beaucoup de temps, et beaucoup de persévérance.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
En tant qu’entrepreneur je suis la locomotive, le moteur et le frein.
J’ouvre la voie et je donne à mes collaborateurs tout ce dont ils ont besoin pour exprimer leurs talents, les accompagner, et aussi les sortir de leur zone de confort. On a tous une part de créativité en nous. Je suis là pour réunir les meilleures conditions possibles pour qu’elle s’exprime.
C’est une petite entreprise dans laquelle chaque collaborateur, avec son parcours, parfois atypique, et ses qualités, a des idées et peut être force de proposition.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La création de valeur pour moi c’est déjà de faire en sorte qu’on puisse tous vivre dignement de notre travail. Dans de bonnes conditions, sans pression, avec du bien-être. Cette valeur ce n’est pas moi, Mathieu Rouppert, tout seul, qui la crée. C’est vraiment l’équipe qui fait qu’on y arrive ensemble. C’est aussi partager les mêmes valeurs entre nous et avec nos clients.
Notamment la valeur d’empathie pour nos clients, cette façon de les accompagner, de leur faire gagner du temps ou de les aider dans leur communication auprès de leurs patients. Toujours dans la poursuite du même intérêt : celui du patient. Si un patient est mieux informé, il devient acteur de sa santé. Si on parvient à aider nos clients à mieux travailler dans l’intérêt du patient, on crée un cercle vertueux où tout le monde gagne : le patient, le praticien, et nous. La valeur financière est aussi importante bien sûr. Il faut bien qu’on s’en sorte, que mes collaborateurs, moi, tout le monde, puisse vivre convenablement. On vend des solutions sur lesquelles on marge en pratiquant des tarifs qui doivent rester justes par rapport au marché. Là où nous faisons la différence c’est dans le rapport humain que l’on entretien avec nos clients et la qualité de service qu’on leur apporte, notre disponibilité et notre capacité à répondre rapidement.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?
a/ Donner moins d’aides financières aux entreprises mais plus de liberté d’action. En nettoyant un peu toutes ces réglementations et toutes ces contraintes administratives qui nous tombent régulièrement sur la tête, on n’aurait pas besoin d’aides financières et on pourrait mieux fonctionner.
Les solutions pour les entreprises sont entre les mains des chefs d’entreprises, pas à Bercy. Les chefs d’entreprise savent pertinemment ce qu’il y a de mieux à faire pour leur entreprise et aussi pour le tissu local. Ils ont une vision plus proche du terrain.
b/ Reprendre le contrôle des tarifs de l’électricité en France.
Mon entreprise n’est pas vraiment touchée, en revanche certains de mes fournisseurs sont lourdement impactés par ces hausses de tarifs mécaniques décidées au niveau européen. Nos data centers français par exemple comme Scaleway ou OVH Candy, voient leurs factures tripler voire quadrupler. C’est comme ça qu’on tue un tissu industriel.
c/ Permettre aux gens de travailler plus.
Si on pouvait travailler 40, 45 heures sans contrainte, je serais ravi.
En apportant des contreparties et de la souplesse dans la gestion des horaires, et en permettant aux gens de gagner plus.
d/ Rompre l’isolement du chef d’entreprise.
C’est par exemple le sens de l’initiative EO (Entrepreneurs’ Organization) que j’ai rejointe il y a 2 ans, qui permet aux entrepreneurs de se retrouver et d’échanger régulièrement sur des sujets communs que seuls d’autres entrepreneurs peuvent comprendre.