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octobre 2023
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
Quelques perles de la rentrée
Alors que l’économie française souffre d’une faible croissance et d’un risque élevé de récession. Que persiste une inflation (4,9% sur un an à fin septembre) qui affaiblit les plus pauvres. Que le sous-emploi chronique et un taux de chômage toujours élevé à 7,2% co-existent avec une pénurie de travailleurs dans de nombreux secteurs. Eh bien, on regrette que nos gouvernants, les plus dépensiers qui soient, s’agitent entre populisme et technocratie à chercher des solutions qui n’en sont pas et sans questionner nos dysfonctionnements. Quelques exemples de cette rentrée 2023 :
1) La vente à perte par les distributeurs de carburants. Alors que l’article L442-annonce que:
« Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000 euros d’amende. »
La première Ministre a appelé les professionnels à s’exonérer de cette obligation légale qui vise pourtant à assurer une concurrence loyale. Rappelons que 52% du prix total d’un litre de SP95 est composé de taxes :
Si l’objectif est d’abaisser le prix des carburants il existe un moyen légal de le faire qui est de réduire les taxes. Mais il y a de toute façon une contradiction de fond que la Première Ministre ne soulève pas : comment encourager la transition énergétique si le gouvernement efface le
« signal prix » que constitue l’inflation des prix de l’essence. Encore une injonction contradictoire qui déstabilise les agents économiques.
2) Avec une inflation de 4,9% sur un an à fin septembre, le Ministre de l’Économie s’est empressé d’annoncer une augmentation des retraites (régime général de base) de 5.2% à compter du 1er janvier 2024 tout en construisant un budget pour cette même année où l’inflation est prévue à 2,6%. Évidemment les partenaires sociaux ont dû se caler sur cette hausse pour les retraites complémentaires (Agirc-Arrco) qui sont annoncées en revalorisation de 4.9%, dès le 1er novembre. Pendant ce temps les salariés négocient des accords d’entreprises qui prévoient des hausses de l’ordre de 3%…
C’est pourtant un sujet parfaitement documenté par l’Insee : le niveau de vie par unité de consommation des retraités est supérieur à celui des actifs et leur taux de pauvreté est plus bas. Le choc d’inflation est favorable aux indexations des retraites. II eut été courageux et juste de pratiquer une indexation partielle plutôt que de surcharger les actifs de 14 milliards supplémentaires au profit d’une génération qui a sous-cotisé.
3) Alors que les économies sont en haut de cycle et que les recettes fiscales sont à un niveau record, il ne se passe pas une semaine sans incrimination de la rentabilité « excessive » (vis-à-vis de quoi ?) des entreprises cotées et de critique gourmande de leurs « surprofits » qui se feraient au détriment des salariés et au seul bénéfice des actionnaires. Évidemment au-delà de la critique morale bien française se murissent des nouveaux projets de taxation ou de répartition, alors que les partenaires sociaux sont arrivés comme des grands à un accord sur le partage de la valeur en début d’année. Ainsi le rachat d’actions semble dans le viseur du Ministre Cazeneuve des Comptes publics. S’il y a beaucoup de choses à dire sur les rachats de titres par les entreprises cotées, il y a bien un doute sérieux sur l’avantage à long terme qu’en tirent les actionnaires : les bourses ont baissé entre 15 et 20% en 2022 et sont à la peine en 2023 alors que les rachats d’actions ont tutoyé leurs niveaux records. Les rachats d’actions ne changent pas la valeur de l’entreprise (qui est constituée de sa capitalisation additionnée de ses dettes) ; ils peuvent augmenter en fait l’endettement (et donc le risque pour l’actionnaire) de celle-ci sans augmenter sa capitalisation. Le très faible niveau des taux d’intérêt pendant plus de 10 ans plus encore que l’évolution positive du cycle des profits a encouragé ces rachats. La hausse des taux d’intérêt et l’inflexion du cycle économique y mettront un terme naturel sans besoin de nouvelles taxes ou contraintes… mais pour cela il faut faire confiance au marché, ce qui n’est guère dans notre culture !
4) La (sur)production de films français : la Cour des Comptes a enquêté sur le CNC (Centre National du Cinéma) qui est un bon exemple du mal français : la dispersion et l’inefficacité. Ce qui explique peut-être la faible audience internationale de nos réalisations. Savez vous qu’il existe 120 dispositifs d’aide à la production audiovisuelle, que la part du financement public dans les films français est passé de 20 à 28% entre 2012 et 2019 ? Que la France produit 240 films par an (172 il y a vingt ans) ? Qu’un tiers de nos films rassemblent moins de 20 000 spectateurs ? Certes, les ressources du CNC reposent aussi sur les taxes à la billetterie, mais qui participent ainsi au renchérissement du loisir et donc à la raréfaction des spectateurs, surtout en province et dans les milieux modestes. Et cet éparpillement de production ne semble pas permettre l’émergence particulière de talents ou de produits internationaux spectaculaires, mais a certainement des effets de bord sur le budget des intermittents du spectacle…
5) L’Éducation Nationale elle-même (oui, le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale !) s’alarme du niveau en mathématiques des élèves entrant en 6e. La moitié d’entre eux ne savent pas répondre à la question : combien y a-t-il de quarts d’heure dans ¾ d’heure ? Le rapport s’inquiète de ce que les nombres décimaux et les fractions n’aient aucun sens pour les élèves. Ces déficits de compréhension semblent toucher tous les milieux sociaux. Encore une étude qui confirme le déclassement de notre éducation dans les études Pisa qui soulignent le retard considérable de la France en mathématique qui occupe la dernière place en Europe. Cette note d’alerte du CSEN suit de quelques semaines une note de même teneur sur l’apprentissage et la pratique de la lecture. Voilà les jeunes français bien outillés pour comprendre comment la dette publique a pu atteindre 3 050 milliards d’euros au premier semestre 2023 : une notion bien abstraite…