Il nous l'avait bien dit
mai 2015
Réflexions sur l’impôt
Bien moins commentée et souvent plus intéressante que la loi de finances, la loi de règlement et d’approbation des comptes est présentée en mai pour l’année précédente. En 2014 elle a fait apparaître des « moins-values » fiscales, c’est-à-dire un manque de recettes par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, de 14 milliards (pour des recettes totales de 298 milliards).
Cet écart tient en partie aux prévisions économiques fantaisistes relevées par la Cour des Comptes et corrigées dans la loi de finances rectificative. Mais aussi, parce que certaines recettes peu sensibles à la conjoncture et notamment d’impôt sur le revenu (4 milliards) ont manqué par effet du matraquage fiscal, notamment la taxation des plus-values. Il semble que pour 2014 il a manqué encore 10 milliards de recettes par rapport à la loi de finances initiale… L’économiste américain Arthur Laffer avait été très commenté au début des années 80 pour avoir expliqué avec sa fameuse courbe que « trop d’impôt tue l’impôt ». C’est une des conclusions du chapitre IX « de l’impôt et de ses effet en général » du Traité dans son édition de 1826, qui démontre aussi la perte de compétitivité et l’effet récessif de dépenses publiques excessives.
Il y a deux siècles, Jean-Baptiste Say nous avait pourtant prévenus !
« La jouissance ravie au contribuable est remplacée par celle des familles qui font leur profit de l’impôt ; mais outre que c’est une injustice que de ravir au producteur les fruits de sa production, lorsqu’on ne lui donne rien en retour, c’est une distribution de la richesse produite bien moins favorable à sa multiplication, que lorsque le producteur peut l’appliquer lui-même à ses propres consommations : on est plus excité à développer ses forces et ses moyens lorsqu’on doit en recueillir le fruit que lorsqu’on travaille pour autrui.
Les valeurs levées sur les contribuables sont en général dépensées de manière improductive. Et les dépenses improductives du gouvernement, bien loin d’être favorables à la production lui sont prodigieusement préjudiciables. Les impôts sont une addition aux frais de production; ils ont un effet opposé aux progrès de l’industrie qui favorisent à la fois la production et la consommation. L’impôt, en élevant les prix des produits, réduit la consommation qu’on peut en faire, et par conséquent la demande des consommateurs.
Si l’impôt produit parfois un bien par son emploi, il est toujours un mal quant à sa levée. Les raisonnements employés pour justifier les gros impôts sont des paradoxes modernes dont les agents du fisc se sont accommodés volontiers, mais qu’un certain bon sens naturel et les meilleurs princes ont toujours repoussés. Ceux-ci ont toujours recherché à réduire les dépenses de l’Etat. Les princes faibles ou pervers les ont tous les temps augmentées. Ils s‘entourent de préférence de conseillers intéressés à leur prodigalité. Il en est qui prouvent, par des chiffres, que les peuples ne sont point chargés et qu’ils peuvent payer des contributions fort supérieures à celles qui leur sont imposées. D’autres apportent des plans de finance, et proposent des moyens de remplir les coffres sans charger les sujets. Mais un tel plan de finance ne peut donner au gouvernement que ce qu’il ôte au particulier, ou ce qu’il ôte au gouvernement lui-même sous une autre forme. On ne fait jamais d’un coup de baguette quelque chose de rien. De quelque déguisement qu’on enveloppe une opération, quelques détours qu’on fasse prendre aux valeurs, quelques métamorphose qu’on leur fasse subir, on n’a une valeur qu’en la créant ou en la prenant. Le meilleur des plans de finance est de dépenser peu et le meilleur de tous les impôts est le plus petit.
Un impôt ne rend jamais au fisc en proportion de l’extension qu’on lui donne; d’où est né cet adage dans l’administration des finances, que deux et deux ne font pas quatre. Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte. Par une raison contraire, une diminution d’impôt, en multipliant les jouissances du public, augmente les recettes du fisc et fait voir aux gouvernements ce qu’ils gagnent à être modérés. »