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janvier 2023
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
« Dividende salarial » confusion et tromperie
L’inflation plus forte que prévue (et sans doute plus durable) provoque une hausse nominale des agrégats économiques et financiers dont nous avons perdu l’habitude. En période de changement de paradigme d’inflation et de taux d’intérêt doublé de désordres profonds de l’offre (covid, guerre en Ukraine…) certaines entreprises françaises ont publié des bénéfices au premier semestre 2022 (les résultats pour l’année vont sortir dans les prochaines semaines) faisant apparaître des progressions très fortes et témoignant, aux dires de certains, d’effets d’aubaines au seul profit des actionnaires capitalistes qui allaient pouvoir à nouveau s’empiffrer, laissant les travailleurs dans la misère. Rappelons une fois de plus que les dividendes n’enrichissent pas les actionnaires : c’est un transfert entre la valeur du capital qu’ils détiennent (la valeur des actions de l’entreprise) et leur revenu. Dès le transfert de liquidité réalisé, la valeur de l’entreprise baisse du montant égal au dividende versé. Le seul qui gagne au versement d’un dividende est l’État par la fiscalité et les prélèvements sociaux (30% quand même…). Et pourtant, ministres, politiques, moralistes et journalistes continuent le contresens financier sans se corriger, car il est bon de garder un concept faux reposant sur l’ignorance économique et financière des français au service de sa cause, en dépit des tentatives de la Décade pour amener la vérité…
Une fois cette erreur corrigée il n’est pas inutile de se pencher sur la répartition de la valeur ajoutée des entreprises françaises. Nous empruntons beaucoup à Éric Dor, professeur à l’IÉSEG, que nous remercions, pour tenter de rétablir une autre vérité : les salariés français ne sont pas à plaindre : ni en comparaison du passé ou de nos principaux voisins et partenaires ni en comparaison des actionnaires.
Ces quelques graphiques qui s’expliquent d’eux-mêmes l’illustrent bien :
Répartition de la valeur ajoutée nette des entreprises situées en France, hors secteur financier, en 2021.
Salaires et cotisations sociales des entreprises situées en France, hors secteur financier, en pourcentage de la valeur ajoutée nette.
Profit net distribué ou épargné des activités productives nationales des sociétés situées en France, hors secteur financier, en pourcentage de la valeur ajoutée nette.
Salaires bruts et cotisations sociales des entreprises, hors secteur financier, en part de la valeur ajoutée nette en 2021.
Profits nets distribués ou épargnés de l’activité productive nationale des sociétés, hors secteur financier, en pourcentage de la valeur ajoutée nette 2021.
Le concept de dividende salarial repose donc sur une erreur financière et sur une irréalité économique. Quand on creuse le sujet on constate donc un traitement assez stable et assez favorable du salariat dans la répartition de la valeur ajoutée. La frustration des salariés s’explique certainement par la différence entre le coût du travail et donc sa part dans la valeur ajoutée et ce qu’il leur reste en net (et encore moins après impôts sur le revenu). En contrepartie les largesses de l’Etat providence (santé, éducation, retraites) ne sont pas appréciées car les salariés ne font pas le lien avec leur faible revenu net-net, car ils n’ont pas la liberté d’allouer leurs revenus en toute liberté.
Cette part élevée de la valeur ajoutée allouée au travail a aussi pour conséquence la faible rémunération du capital. C’est une des causes de la désindustrialisation du pays… que pourtant les mêmes qui appellent au dividende social prétendent contrer !