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décembre 2022
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
Véhicules électriques et émissions de CO2 : y a t-on vraiment réfléchi ?
La Commission européenne, approuvée par le Parlement et par le Conseil européen a interdit la vente de véhicules essence et diesel (y compris hybrides) dans l’Union à partir de 2035. Et tout le monde, dans un bel unanimisme, d’applaudir à une mesure destinée à répondre à « l’urgence climatique » contre le réchauffement planétaire. Mais tout cela a t- il été bien réfléchi ?
Les enjeux climatiques d’abord. Il est bon de rappeler les masses et les évolutions des émissions de gaz à effets de serre dans le monde :
Les émissions de gaz à effet de serre des principaux émetteurs
(En gigatonnes de CO2)
Avec un peu plus de 3 GigaTonnes d’émissions par an et en diminution constante depuis 1990, l’Union européenne semble petit joueur par rapport aux USA (5 GT) et un nain par rapport à la Chine (presque 14 GT). Il est estimé que les déplacements automobiles représentent 15% des émissions totales de l’UE, soit environ 0,45 GT. C’est à peine plus qu’une année moyenne de croissance des émissions de la Chine. Que ce soit clair : une année de croissance des émissions de la Chine correspond à la totalité des émissions du parc automobile thermique de l’Union Européenne. La décision de « tuer » ce parc est donc à relativiser au regard des enjeux climatiques. D’autant que la période récente ne montre pas de ralentissement des émissions chinoises :
Emissions pré et post Covid-19
(Hors affectation des terres)
Ont peut donc s’interroger sur la pertinence de la décision par rapport à lOnt peut donc s’interroger sur la pertinence de la décision par rapport à l’objectif global. Par ailleurs, il faut savoir qu’un tiers des véhicules sont responsables des deux tiers des émissions (y compris de particules fines). L’évolution des normes d’émissions toujours plus dures, le renouvellement du parc, les progrès des pétroliers dans le raffinage et l’évolution vers des carburants synthétiques (e-carburants) auraient sans doute conduit à de très sensibles réductions de nos émissions dans un cadre maîtrisé. Car l’absence totale d’étude d’impact sur l’interdiction édictée lève de sérieux problèmes :
1 / la souveraineté :
Les batteries dans leur technologie actuelle reposent notamment sur deux minéraux indispensables, le Lithium et le Cobalt. Si les chinois ont pris le tournant de l’électrique pour leurs véhicules depuis les années 90 (ce qui ne réduit pas leurs émissions) c’est parce qu’ils sont le troisième producteur mondial de Lithium (après le Chili et l’Australie) et parce qu’ils maitrisent toute la technologie et les capacités de traitement et de raffinage de ce métal rare dont 86% de la production mondiale est concentrée dans ces trois pays. La Chine détiendrait la deuxième réserve mondiale. La production de Cobalt provient à 80% de la République Démocratique du Congo, pays en guerre civile ou avec ses voisins de façon chronique. Enfin, troisième métal rare, signalons le Nickel un peu mieux réparti mais dont 50% de la production est assurée par cinq pays dont la Russie en deuxième position (11%). C’est dire que le « tout électrique » met l’Union Européenne en situation de dépendance beaucoup plus forte à l’égard de quelques rares pays comparativement au pétrole. Pour ce qui concerne les objectifs poursuivis par celle-ci nous ne parlons même pas des émissions de Co2 provoquées par l’extraction, le transport, et le traitement de ces métaux rares sans compter les impacts environnementaux et sociaux dans des pays faiblement réglementés.
2 / la faisabilité et le coût :
La batterie doit se charger sur le réseau : il faut donc assurer la disponibilité électrique et son accessibilité. Le besoin additionnel nécessaire en énergie électrique est estimé à 25% pour répondre à l’évolution probable du parc automobile. La période actuelle montre l’insuffisance de notre production et la difficulté et les délais nécessaires à l’augmentation de nos capacités. Soit nous importerons de l’électricité de pays émettant du Co2 pour la produire (l’Allemagne), soit les prix de l’électricité seront très élevés et le rendement économique de la substitution du thermique extrêmement négatif pour nos citoyens et pour ceux d’autres pays d’Europe dans la même situation que la France. Enfin, l’accessibilité des bornes de recharge exige des investissements colossaux dont les financements ne sont pas clairs mais dont le coût renchérira encore la recharge.
3/ l’appauvrissement technologique et économique :
L’arrêt du thermique va sérieusement réduire les capacités d’investissement des constructeurs européens par rapports à leurs concurrents américains, japonais, coréens etc. sur cette technologie qu’ils ne veulent pas abandonner pour la plupart. On a pourtant vu les conséquences d’une politique malthusienne sur le nucléaire…La batterie représente actuellement environ 40% du prix d’un véhicule neuf. La chaine de valeur des constructeurs européens est donc totalement bouleversée par l’interdiction du thermique et va entrainer de nombreuses suppressions d’emplois dans l’industrie et des reconversions colossales et donc coûteuses en son sein. Le coût collectif de cette évolution n’a pas été évalué sérieusement par les institutions européennes qui semblent ignorer que le secteur automobile représente directement et indirectement 13 millions d’emplois en Europe. Une infinité de fournisseurs de premier et second rang impliqués dans le groupe de transmission du véhicule thermique vont disparaître. Le transfert de valeur se fera au profit des fournisseurs chinois de batteries ou de composants de batteries. Mais aussi le prix moyen d’un véhicule électrique est de 30 000 euros ce qui est inaccessible pour de nombreux ménages. Car, par exemple, le coût de fabrication d’une Renault Megane thermique est d’indice 100, le coût de fabrication de son équivalente électrique serait proche de 170. Et les subventions à l’achat ne sont pas tenables au regard de l’État de nos finances publiques comme le soulignait Carlos Tavares, patron de PSA. La paupérisation des classes moyennes va se trouver renforcée…
Pour un impact très modeste sur les émissions de Co2 les institutions européennes et les gouvernements nationaux se lancent dans une politique dont les effets climatiques et environnementaux n’ont pas été évalués. La souveraineté économique et l’indépendance technologique semblent passer après des objectifs politiques qui pourraient passer pour idéologiques à moins d’être guidés par ceux qui en tireront profit…
Mais en 2035 où seront les responsables de ces choix ?