Au fil des lectures : reçu 10/10
juin 2021
« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)
Jean-Marc Daniel : « Il était une fois…l’Argent Magique ».
Le Cherche Midi.
Dans ce « conte et mécomptes pour adultes », le professeur d’économie à ESCP business school fait un point complet de pédagogie sur les déficits, la dette et la politique monétaire. Comment la dette publique mondiale peut-elle passer de 83% du PIB en 2019 à plus de 100% fin 2021 ? Comment, en France, ce ratio est-il passé de 21% en 1980 à plus de 120% en quarante ans ? Sans conséquences sur la prospérité actuelle ou future ?
La monnaie n’est plus l’or, mais la masse des crédits consentis par les banques. Traditionnellement les banques centrales ont pour rôle de financer l’économie via les banques commerciales en agissant sur les taux d’intérêt pour accélérer ou ralentir le crédit ou via des mesures quantitatives à l’égard de celles-ci, avec la double mission de favoriser la croissance et de contenir l’inflation. Or « l’argent magique » résulte d’une évolution fondamentale de la politique des banques centrales qui viennent désormais financer directement les États (les dépenses publiques) et non les investissements ou les consommations des agents privés.
La dette privée est légitime car l’investissement qu’elle finance créera de la richesse qui permettra son remboursement. Si par erreur ou infortune l’emprunteur ne créé pas la richesse attendue, il devra piocher dans son patrimoine pour faire face à ses obligations et pourra être mis en liquidation ; c’est notamment ce dernier risque qui explique en partie l’existence et le niveau des taux d’intérêt. La dette publique n’est pas forcément illégitime ; elle provient de l’accumulation de déficits qui ont pu être générés par des investissement permettant la création de richesse par les agents privés et qui peuvent sembler devoir être étalés dans le temps pour ne pas peser trop lourdement sur la fiscalité à court terme. Pourtant investir dans des ronds-points inutiles ne saurait justifier de sous-payer des enseignants. Aussi les déficits réellement justifiés surviennent en cas de récession économique du fait de moindres recettes fiscales et de la rigidité de la dépense publique qui, dans ces circonstances, excède celles-ci. Il serait absurde par exemple de réduire les dépenses d’éducation en période de ralentissement économique. Il est donc normal qu’en période de croissance des excédents soient dégagés pour compenser les déficits passés et qu’en moyenne les comptes publics soient équilibrés, aux charges d’intérêt de la dette près, puisqu’on a dit que l’existence d’une dette publique est concevable dans une économie ou l’État assure des investissements ou des dépenses permettant la création de richesse par les agents privés. Mais le déficit ne devrait donc pas dépasser en temps normal le coût (les intérêts payés) de cette dette. C’est l’objectif du solde primaire qui doit égaliser dépenses et recettes hors coût de l’endettement public. Car l’État ne crée pas de richesses par lui-même et ses recettes sont donc exclusivement fiscales, par prélèvement sur les richesses créées par les agents privés.
L’évolution récente de nombreuses économies, amplifiée par les politiques anti-covid, est marquée par l’explosion des déficits et parallèlement des dettes publiques. La France, par exemple, n’a pas connu d’équilibre budgétaire depuis 47 ans et compte sur les doigts d’une main les années où son solde primaire était équilibré. Son déficit public a excédé 9% du PIB en 2020 et dépassera encore ce niveau en 2021. Aucun équilibre ne semble atteignable avant 10 ans.
Normalement les déficits sont financés par des dettes, des emprunts, qui sont égaux à l’épargne domestique. A partir du moment où des créanciers externes qui ont de l’épargne en excédent viennent compléter l’épargne domestique, la demande interne, stimulée par l’excès de dépenses publiques peut augmenter davantage, mais par constitution d’un déficit des paiements équivalent. Ce sont les fameux « déficits jumeaux » : déficits de la balance des paiements et déficits budgétaires. C’est parce que la consommation est trop importante par rapport à la production qu’ils se développent. Les limites au phénomène tiennent à la confiance des investisseurs étrangers qui, si elle se lasse, vient déprécier la monnaie (ils vendent leurs créances) traduisant l’appauvrissement relatif du pays concerné (et donc de ses habitants).
« L’argent magique » peut apparaître dans un second temps et parallèlement ; le phénomène substitue ou ajoute aux créanciers étrangers la banque centrale elle-même. Bien que les statuts de la banque de France précisent : « Le Trésor Public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France », la Banque Centrale Européenne (BCE) depuis une dizaine d’année maintenant mais avec une ampleur toujours grandissante intervient pour acheter sur le marché des emprunts publics. Cela revient à prêter directement au Trésor public qui se solvabilise par la banque centrale qui devient -contre toute orthodoxie- créancière de celui-ci ce qui revient à de la création de monnaie additionnelle sans création de richesse équivalente.
L’auteur excusera ce résumé imparfait et incomplet qui ne dispense surtout pas de la lecture de son ouvrage discutant très sérieusement de la légitimité des déficits publics par rapport à « l’alibi » keynésien. Ce dernier ne semble être que la parure du manque de courage politique qui exigerait d’expliquer aux citoyens que l’on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on gagne.
Plutôt que de soutenir sans fin les dépenses d’un État qui « est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » (Frédéric Bastiat 1848).
Les déficits tels que nous les vivons ne sont que le report d’un appauvrissement inéluctable et qui se confirme lorsque l’on compare les performances économiques des pays qui les pratiquent sans vergogne à celles des pays abusivement appelés « frugaux » dont la richesse augmente bien davantage que celle des premiers.
Un autre développement important de ce bref ouvrage est l’analyse des conséquences inflationnistes (une autre forme d’appauvrissement) de ces politiques « d’argent magique ».
Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de sortir de ces mauvaises politiques.
Certains pays l’on fait dans un passé récent (Canada et Suède dans les années 90 par exemple). Les moyens sont ceux que donnait Michel Chevalier en 1871 : travail, épargne, instruction et liberté : le boom économique contre les boomers ?