Il nous l'avait bien dit
février 2021
« Les mauvais gouvernements se font mépriser et haïr »
Alors que nombre de démocraties occidentales mettent entre parenthèses des libertés fondamentales et sont contestées par des régimes « illibéraux », de la lucidité et un peu d’optimisme de la part de Say :
« Tous les gouvernements, sans exception, les mauvais comme les bons, affectent les intentions les plus pures, les plus généreuses, les plus grandes. On fait des dilapidations en parlant d’économie, des guerres en protestant de son amour pour la paix, des spoliations par respect pour la justice, et des actes arbitraires au nom des lois. Aussi, je le vois, vous ne croyez plus à ces belles enseignes…
Les mauvais gouvernements sont enduits d’une espèce de glu à laquelle viennent s’attacher l’avidité, la délation, le mauvais sens, tous les vices, et qui inspire un insurmontable dégoût aux bonnes intentions, aux vues droites, à la saine raison. Qu’arrive-t-il ? Les mauvais gouvernements se font mépriser et haïr ; mais ils ont pour eux les méchants, qui sont plus maniables, moins scrupuleux. Je me suis hasardé, une fois, de reprocher à Napoléon qu’il dépravait la nation. Rien ne peut rendre la finesse du dédain avec lequel il me répondit :
« Vous ne savez donc pas encore que l’on gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus ? » Où cette prétendue habileté l’a-t-elle conduit ? Quel est l’avantage d’avoir pour soi les pervers ou les sots dont le règne n’a qu’un temps, parce que tout l’ébranle ; et d’avoir contre soi le bon sens, les lumières et la bonne foi, dont chaque nouvelle circonstance avance l’autorité, et dont le règne est le plus inébranlable, parce qu’il est fondé sur l’intérêt du plus grand nombre ? »
Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société-1818 (2e édition) de Jean-Baptiste Say