Au fil des lectures : reçu 10/10
janvier 2021
« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)
Jacques de Larosière : « 40 ans d’égarements économiques – quelques idées pour en sortir »
Odile Jacob
« La valeur n’attend pas le nombre des années » fait dire Corneille au jeune Cid. Pourtant force est de constater que l’analyse économique produite par Jacques de Larosière , 91 ans, est d’une grande valeur. Nous avions déjà souligné en janvier 2019 la pertinence de l’analyse monétaire de l’ancien directeur général du FMI et gouverneur de la Banque de France. Le diagnostic clair et incontestable, les solutions simples, courageuses, mais acceptables qu’il nous propose en 200 pages faciles à lire et bien illustrées de graphiques et données historiques devraient inspirer tous nos « responsables » politiques.
Le diagnostic pourrait rapidement se transformer en procès, tant les décisions majeures de politiques économiques ont œuvré ces quarante dernières années à écarter notre pays du chemin de la prospérité. Le décrochage est connu et visible : quasi-stagnation du PIB par habitant, dont la modeste progression ne provient que de l’augmentation de la dette publique qui solvabilise artificiellement une demande de consommation supérieure à notre production. Le déficit budgétaire chronique se double donc d’un déficit commercial très significatif depuis 15 ans, résultant également de notre perte de compétitivité qui a pratiquement divisé par deux le poids de l’industrie dans notre PIB. En 20 ans le PIB par habitant en France a décroché de 10% par rapport à nos voisins allemands.
Notre rapport au travail est aussi coupable : réduction de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans en 1982 – contre toutes les évidences démographiques-, cinquième semaine de congés payés, passage aux 35 heures en 2000 à la même époque où le Chancelier Schröder emmenait son peuple dans une décennie d’efforts destinés à payer le coût de la réunification, dont il récolte les fruits depuis 10 ans avec un chômage très faible et des excédents budgétaires (avant la crise du Covid).
Tandis que droguée aux taux d’intérêt nuls, la France alourdit toujours davantage le poids de sa dette, ses ressources ne permettant pas de payer son « État providence » et notamment ses retraites. Celles-ci représentent une fraction presque record de notre PIB (15%) parmi les pays de l’Union Européenne (11% en moyenne).
Avec un taux d’emploi (nombre de personnes occupant un emploi rapporté au nombre de personnes en âge de travailler 16-65 ans) de 65,5% contre 76,7% outre-Rhin qui s’explique par un taux de chômage structurel élevé et par le faible taux d’activité des 16-25 ans comme celui des 55-65 ans, la France ne travaille pas assez.
Et en plus la productivité horaire de ceux qui travaillent a progressé moins vite que les salaires. Malgré une redistribution très importante qui permet à la France d’afficher un égalitarisme des revenus presque record dans les pays de l’OCDE, celle-ci n’empêche pas les plus pauvres de s’appauvrir encore.
L’Éducation nationale a sa part de responsabilité dans cet échec en ne permettant pas dès le primaire l’acquisition par tous des moyens essentiels (lecture, écriture, comportement) pour s’élever. L’insuffisance de l’apprentissage maintient aussi de son côté une partie de la jeunesse mal formée et mal utilisée dans une trappe à pauvreté.
On comprend bien comment se nourrit le ressentiment social qui s’exprime politiquement de façon désordonnée.
En cause, le centralisme excessif -qui interdit innovations, adaptations et émulations-, la perte de compétence, d’autorité et de vision de la haute fonction publique, le clientélisme politique de court terme et la faible contribution des médias et de l’Éducation Nationale à la formation économique des Français dont l’ignorance les conduit à être ballottés au gré des promesses et des illusions.
On laissera les lecteurs découvrir les propositions de Jacques de Larosière pour remettre le pays sur le chemin de la prospérité qui elle seule garantit la paix sociale : une vraie décentralisation, la simplification du mille-feuille bureaucratique, la retraite à 65 ans pour tous notamment devraient nourrir l’essentiel de tous les programmes
des responsables politiques.