Au fil des lectures : reçu 10/10
novembre 2020
« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)
Philippe Manière : Le pangolin et l’ISF, comment « le monde d’après » nous rend tous fous ?
Éditions de l’Observatoire (version numérique seulement)
Observateur aigu et commentateur engagé de notre vie économique et politique Philippe Manière est aussi un entrepreneur avisé. Ses analyses ont ainsi la pertinence de la raison et le réalisme qui s’impose à l’homme d’action. Il y a presque 10 ans déjà il démontrait dans « Le pays ou la vie est plus dure » (Grasset) que notre apparent impossible bonheur collectif reposait sur nos propres contradictions opposant nos rêves farfelus et notre immobilisme absolu.
Dans son dernier et bref essai, il relève toutes les niaiseries grandiloquentes que les plus illustres de nos personnages publics (acteurs, politiques, économistes, intellectuels ou artistes de tout poil) ont déversé à l’occasion de cette fameuse pandémie qui touche tous les pays ou presque, mais dont seule la France peut s’enorgueillir de telles élucubrations. Émotion, ignorance et préjugés sont venus nourrir un discours millénariste exigeant un monde d’après, forcément meilleur.
Car ce virus est notre faute disent les uns – effet du système : capitalisme, mondialisation, réchauffement, etc- et Gaïa vient se venger nous disent les autres (parfois les mêmes) qui nous rappellent à notre devoir de pénitence. Le grotesque « appel pour le monde d’après » de Nicolas Hulot, ou l’affirmation de la nécessité d’un « nouveau capitalisme » par Bruno Le Maire, et tant d’autres invitent, comme l’écrit Manière avec humour, aux Etats Généraux de l’au-delà.
La circulation humaine et celle des marchandises sont par définition associées aux épidémies et pandémies, comme les plus anciennes pestes l’ont montré. La Covid 19 ne fait pas exception. L’auteur défend justement les bienfaits de la croissance et de la circulation des biens dans les immenses progrès apportés à nos conditions de vie depuis 150 ans, car l’ordre moral oublie les facilités extraordinaires de l’électricité, les progrès de la médecine et de l’hygiène, le confort de nos logements, l’abondance alimentaire, bref la formidable augmentation de notre espérance de vie…Car ce monde d’après tel qu’il est appelé ressemble un peu trop au monde d’hier fait de repli sur soi, de méfiance de la science et finalement d’hostilité pour l’autre qui devient une menace. Et l’auteur de citer l’économiste Nicolas Bouzou « la décroissance est une idéologie bourgeoise : c’est le luxe de ceux qui peuvent s’appauvrir ; pour les classes populaires, c’est un désastre ».
À ceux qui se sont ravis du confinement pour entendre les oiseaux et observer les grenouilles, il faut rappeler le désastre économique qui devient perceptible dans notre pays et ses conséquences délétères dans les pays moins développés qui alarment pourtant l’OMS, mais dans l’indifférence aveugle des rêveurs français.
L’épidémie « n’a ni sens ni vertu », c’est un phénomène naturel qui participe du vivant et l’humanité y laisse régulièrement un douloureux préciput. Encore une fois notre idéologie française, donneuse de leçon de morale et en quête de remède miracle, s’oppose à la raison et finalement nous éloigne du progrès.