Au fil des lectures : reçu 10/10
octobre 2020
« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)
Puissante et fragile, L’entreprise en démocratie, par Dominique et Alain Schnapper
Elle est tantôt décriée et chargée de tous les maux de la planète et tantôt admirée et chargée de guérir tous les maux de la planète. L’entreprise est au cœur de nos sociétés modernes, qu’il s’agisse d’intégration individuelle à une forme de socialité -alors que les institutions politiques, religieuses et familiales sont affaiblies- et qu’il s’agisse bien sûr de la production de richesses.
En écrivant à quatre mains, mère et fils, Dominique et Alain Schnapper refont le tour du sujet en joignant leurs expériences respectives de sociologue et d’intellectuel ayant fait l’expérience de l’entreprise. Traitant des rapports de celle-ci avec la politique, la finance, et notre organisation sociale (travail, autorité, individualisme) les auteurs questionnent l’avenir et les défis qui attendent cette instituions qui reste indispensable.
Un bon éclairage est donné sur les risques du télétravail généralisé, sur un certain dévoiement lié à la financiarisation, sujets du moment. On s’étonnera pourtant de constater que si les rémunérations (trop ?) élevées des dirigeants affectent leur institution, celles des sportifs ou des stars de tout acabit n’apportent nul préjudice à leurs activités.
Il est bon de s’interroger : en français, à l’exception de l’entreprise unipersonnelle, toutes les entreprises s’appellent « sociétés » et se constituent juridiquement ainsi (anonyme, en commandite, civile etc.). Il est normal que l’ambition attribuée à cette institution et les résultats que l’on en attend soit à la hauteur de ses multiples rôles. Éducation, formation, innovation, production, répartition, protection : l’entreprise a une vocation politique essentielle dans notre organisation sociale. Si elle est un lieu de rapports de forces, elle est surtout un lieu de collaboration au service du progrès, en accumulant du capital immatériel aussi.
L’État a montré ses limites et a sans doute dépassé celles de son utilité dans de nombreux domaines. Il doit retrouver une juste et efficace intervention et l’entreprise doit quant à elle aussi saisir sa responsabilité sociale globale, sans sacrifier sa rentabilité qui lui permet de vivre et de croître. Mais sans rien lui sacrifier d’essentiel au maintien de la prospérité à long terme et d’une certaine paix sociale, environnementale et finalement démocratique.
Passant aussi par les GAFAM et les entreprises « d’État » chinoises, nos auteurs ouvrent grandes les questions que tout citoyen, consommateur et producteur doit se poser.