Parole d’entrepreneur
septembre 2020
Olivier Carracilli – cofondateur de l’agence Clair et Net., et de 0oviiz
Diplômé de l’ISG en 1994, Olivier connaît une première expérience en chef de pub dans les médias. Son intérêt pour le développement des chaînes numériques et des services interactifs alors naissants, le décide à compléter sa formation avec un Mastère Spécialisé information et médias à l’ESCP. En 1996 il bascule dans le groupe Canal+ et travaille sur les nouvelles chaînes numériques et services interactifs sur CanalSat.
Des amis de l’ISG lui proposent alors de monter une boîte ensemble.
Clair et Net. nait en 1998. Réunissant une douzaine de spécialistes experts-conseils, Design et technique en matière de communication digitale et de transformation numérique, l’agence accompagne les grands et moyens comptes, entreprises, marques et organisations. Tout est fait en interne ce qui permet de penser plus librement et de respecter les engagements donnés aux clients. Parti en 1998 sur la réalisation de sites Internet vitrines, l’agence a rapidement évolué vers la conception de sites internet d’usage (e-commerce) puis vers la création et la diffusion de contenus sur les réseaux sociaux, et enfin aujourd’hui vers la conception d’applications digitales complexes. Clair et Net. a développé par exemple pour Médiamétrie des outils de numérisation de la collecte des données d’audience et des applications permettant de les exploiter. Entrepreneurs insatiables, Olivier et Emmanuel Pacaud son associé depuis toujours à Clair et Net. ont créé récemment avec Nathalie Idiart et Xavier Desseaux une nouvelle société : ooviiz, une plateforme de mise en relation des intermittents du spectacle avec les médias audiovisuels, production télévision et cinéma, radio, événementiel et spectacles vivants. Olivier est aussi un homme de convictions, longtemps engagé dans les campagnes Resto du Cœur d’assistance aux plus démunis, ou au sein de l’association Génération Terrain réunissant des trentenaires non professionnels de la politique qui souhaitaient partager leur volonté d’engagement, des universitaires, des penseurs, et des chefs d’entreprises. Olivier a aussi participé activement au Club Sénat au début des années 2000 dont l’objectif était de conseiller et d’informer les sénateurs sur les enjeux des nouvelles technologies, alors émergentes.
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
L’idée de créer une entreprise a été très naturelle pour moi. Mes grands parents commerçants m’ont transmis cette envie d’indépendance. Plus jeune j’ai enchaîné des initiatives personnelles avec des petits boulots en proposant mes services, avec cette même démarche d’entrepreneur.
Ce n’est pas le système scolaire, largement déficient dans la présentation de l’entreprise, du monde économique et social, qui a suscité ma vocation.
La rencontre en école de commerce d’amis partageant les mêmes aspirations a confirmé mon souhait de créer un jour ma propre entreprise.
La liberté d’entreprendre m’a séduit, la liberté de créer, de créer de la valeur, de prendre le contrôle de ma vie, de conduire un projet et une équipe vers des horizons communs.
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
On peut partager la prise de décisions au sein de l’entreprise, mais la responsabilité du résultat in fine est assumée par le chef d’entreprise.
L’esprit d’entreprendre peut être partagé avec certains dans l’entreprise. Cette notion est d’ailleurs bien captée par les conventions collectives qui décrivent assez clairement la position et le rôle de chacun dans l’entreprise : ouvriers, professions intermédiaires, cadres, et cadres dirigeants. Un cadre supérieur, même s’il n’est pas cadre dirigeant, doit faire preuve d’autonomie dans la prise de décision, dans l’organisation de son temps, dans l’organisation des ressources, humaines et financières, donc un profil proche de celui de l’entrepreneur. La différence fondamentale entre ce cadre talentueux et l’entrepreneur c’est la prise de risque financière et la responsabilité assumée des résultats, positifs ou négatifs, de l’actif et du passif de l’entreprise.
Ce qui caractérise aussi l’entrepreneur c’est cette capacité, incarnée par les grandes figures que nous connaissons tous de Steve Jobs à Elon Musk, à créer de l’adhésion autour de sa vision et de son entreprise, l’adhésion des équipes, des clients, des banquiers, de toutes les parties prenantes au projet.
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
Lorsqu’on parle de création de valeur, vient immédiatement à l’esprit la création de richesse financière. Si elle est nécessaire, on ne peut évidemment pas limiter la création de valeur à cette seule dimension financière.
Pour moi créer de la valeur c’est avant tout créer quelque chose qui n’existait pas avant qu’on le fasse, qui répond à un besoin, et qui permet au client de bénéficier de son utilisation, que le gain qu’il retire soit supérieur à la dépense qu’il a engagée.
La création de valeur c’est aussi la capacité à fédérer des gens, leur donner l’opportunité de contribuer, de grandir personnellement et professionnellement en participant au développement de l’entreprise et en bénéficiant des expériences partagées.
C’est finalement ce qui nous fait lever le matin, et d’autant plus facilement.
Aider nos clients à réussir et associer notre équipe à ces réussites nous renvoient tous les jours une image positive de sens.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer le développement des entreprises françaises ?
a/ Simplifier la loi.
La loi est devenue tellement complexe que même les spécialistes s’y perdent et elle est quasiment irréformable. A titre indicatif, le droit du travail français doit être le plus prolixe du monde libre. Il doit être au moins 10 fois plus petit en Suisse. De leur côté, il me semble que les anglais suppriment 2 anciens textes de loi pour un nouveau publié.
Cette complexité est devenue un obstacle à notre liberté. La loi doit donner le cadre, et ce cadre nous rendre libre. Si le cadre n’est plus lisible, la liberté disparaît. Il faut donc absolument la simplifier.
Et quand on parle de simplification, on ne parle pas de simplification des démarches administratives pour enregistrer une nouvelle entreprise. Passer de 2 jours à 2 heures le délai de création d’entreprise n’est rien comparé à la complexité juridique et sociale induite tout au long de la vie d’une entreprise. Il faut simplifier le cadre légal.
b/ Libéraliser le marché du travail.
Remettre en cause la structuration du marché autour du stigmatisant CDI, CDD, … et imaginer de nouveaux cadres de collaboration, pour les rendre plus souples pour l’entreprise avec un parcours mieux sécurisé par l’État pour l’employé.
L’État devrait mieux garantir les revenus en cas de chômage et en même temps être plus exigeant sur les démarches des chômeurs pour retrouver rapidement un emploi, y compris au travers de la formation et de la reconversion vers les métiers dont les entreprises manquent le plus.
Donc être plus social du point de vue de l’État et plus libéral du point de vue des entreprises. On lèverait ainsi les freins qui réduisent les embauches et le marché du travail serait bien plus fluide.
On a une belle opportunité gagnant-gagnant pour les entrepreneurs et les salariés dans la possibilité de pouvoir débaucher aussi facilement que l’on peut embaucher. Si l’entreprise fait bien son boulot, elle crée des emplois, si l’État fait bien son boulot, il sécurise bien les personnes.
c/ Réformer le système paritaire syndicats-patronat.
Je ne sais s’il s’agit de l’alfa et de l’omega du problème, mais il me semble que ce système est devenu un frein à la modernisation de l’État et de l’économie.
C’est un système dont les acteurs se sont installés dans un confort incompatible avec les réformes nécessaires à entreprendre, notamment les décisions en matière de financement du chômage, des retraites, ou de la sécurité sociale. Je crois au paritarisme, et en même temps il me semble aujourd’hui très rigide et quelque peu éloigné des réalités terrain.
Un bon exemple dans notre secteur (convention collective Syntec) est celui de la négociation sur les jours de carence, un atout pour les grands groupes, parfois une difficulté pour les plus petites structures. Il manque de modernité dans ce rapport à l’entreprise.
d/ Désendetter l’État
Pour pouvoir diminuer la pression fiscale et sociale sur les entreprises et leur permettre de restaurer leurs marges de manœuvre notamment en matière d’investissement. La France est le pays de l’OCDE avec le plus d’impôts, de taxes et de charges. Notre système public pourrait rendre le même service qu’aujourd’hui à ces citoyens, entreprises, etc. avec des budgets bien inférieurs. Un état endetté est un état qui perd sa liberté. Message à tous ceux qui veulent qu’un certain modèle français vive.
e/ Promouvoir l’Entreprise dans les programmes de l’Éducation Nationale
En finir avec l’absence de l’entreprise dans l’école voire avec le biais négatif militant avec lequel elle est trop souvent présentée aux collégiens et aux lycéens par certains enseignants. L’entreprise n’est pas le diable. Entreprendre est une forme de liberté, et la liberté d’entreprise n’en est qu’un exemple. L’ouverture d’esprit des élèves est notre meilleure garantie d’une démocratie vivante.
Revoir aussi l’organisation de l’enseignement supérieur pour que les doctorants puissent travailler sur des projets de recherche fondamentale, mais aussi sur de la recherche appliquée en collaboration avec des entreprises. Les doctorants eux-mêmes devraient être payés au moins 3.000 € dans le cas de recherches appliquées co-financées par les entreprises. J’aimerais que la France garde ses cerveaux pour qu’elle fabrique en plus les champions de notre indépendance industrielle.
Donc, renouer un lien fort et concret entre Éducation, Université et entreprises.