Parole d’entrepreneur

mars 2020

Jean-François Faure – Fondateur de AuCOFFRE.com

aucoffre.com
« Attendre son tour » pour bosser comme architecte à Bordeaux au début de sa carrière n’était pas trop son genre. Au moment où Internet commence à se développer, Jean-François Faure bascule rapidement dans l’entrepreneuriat avec plusieurs créations, dont une agence de traduction. Sensibilisé par plusieurs lectures en 2006 il se rend compte que face à une crise majeure nous étions finalement très exposés et qu’acquérir de l’or pour se protéger n’était pas si simple. L’environnement concurrentiel sur la vente d’or était alors soit poussiéreux soit étranger. Il décide dès 2007 d’adapter un modèle anglo-saxon au marché français et il lance AuCOFFRE.com, une plateforme d’achat et de vente de métaux précieux, avec service de conservation en coffre, s’adressant plutôt au marché C2C donc aux particuliers entre eux. Au cœur de la crise de 2008, son offre décolle.
Aujourd’hui le groupe réalise 70 M de CA et comprend une trentaine de salariés avec la société AuCOFFRE.com et sa filiale VeraCash. Il développe aussi une activité de frappe de monnaie qui fait de AuCOFFRE.com le deuxième acteur en France pour les clients particuliers et pour les pays étrangers, après la Monnaie de Paris, les pièces en Euro restant le domaine réservé de cette dernière.
Avec AuCOFFRE.com Jean-François Faure tente de réconcilier la sécurité –
du placement en or – et la liberté qu’elle confère à ses clients.

1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?

L’entrepreneuriat n’est pas un métier. C’est plutôt un état, une manière d’être.
Et la meilleure réponse à ce que je suis. Quelqu’un qui tient par-dessus tout à sa liberté, et qui respecte celle des autres. Quelqu’un qui ressent l’urgence de proposer des solutions lorsqu’elles sont inexistantes. Quelqu’un qui a besoin d’exprimer sa créativité.

Enfin quelqu’un qui nourrit très tôt des ambitions et qui doit trouver ses marchés au-delà d’un environnement local très verrouillé. J’avais cette obligation de créer mon entreprise et de la développer à l’échelle nationale, voire internationale.

J’ai peut-être aussi hérité de cette fibre de mes parents qui étaient agriculteurs. Ils devaient trouver des solutions, gérer des contraintes internes et externes à leur activité, seuls au quotidien. Ils avaient ce sentiment particulier de tenir entre leurs mains leur avenir, comme tout autre entrepreneur. Ils étaient aussi animés par ce positivisme qui est la marque de l’entrepreneur, qui permet de faire face à l’adversité avec enthousiasme.

2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?

On ne peut pas ignorer l’évolution sociale que nous connaissons depuis quelques années. Il faut accepter l’idée que certains d’entre nous préfèrent rester dans l’exécution et ne pas assumer la responsabilité de la prise de décision.

En tant que dirigeant nous devons savoir travailler avec eux sur cette base. On ne peut pas les obliger au nom de l’entrepreneuriat à être ce qu’ils ne veulent pas être.
En tant que chef d’entreprise, on doit savoir les accompagner pour les tirer vers le haut jusqu’à un niveau de responsabilité qui correspond au niveau d’engagement qu’ils ont eux-mêmes choisi.

Après, j’avoue que j’aime travailler avec des gens qui s’investissent, qui s’approprient les projets auxquels ils participent. J’aime partager la création et le succès avec eux.
Il existe de nombreuses formes d’entrepreneuriat au sein de l’entreprise. C’est à ceux qui souhaitent s’investir de saisir les opportunités que nous leur offrons au sein de nos différentes activités. Nous avons eu récemment le plaisir de voir un alternant au sein de notre activité de crypto monnaie VeraOne se transformer en vrai champion d’une nouvelle activité. Un autre collaborateur d’origine étrangère arrivé chez nous par la petite porte il y a quelques années, ne parlant pas français, est aujourd’hui chef d’exploitation de notre filiale VeraCash.

C’est finalement notre responsabilité en tant que chef d’entreprise de créer les opportunités et les conditions pour voir émerger des « intra-preneurs » qui ont la fibre et souhaitent évoluer avec cet état d’esprit d’entrepreneur.

Il faut savoir laisser l’espace aux gens qui désirent s’investir et grandir dans l’entreprise. Je n’ai pas de problème d’ego et déléguer la responsabilité opérationnelle est essentiel dans la conduite de mes affaires. Je reste dans mon rôle, dans ma valeur ajoutée. Pour les collaborateurs compétents, il est donc d’après moi possible d’entreprendre au sein de notre entreprise.
À moi de rester présent sur les valeurs, sur l’ADN de l’entreprise, sur ce que l’on est.

3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?

Pour moi elle est multiple.
Pour commencer, j’ai le sentiment, en assurant la conservation des métaux précieux de mes clients, de garantir leur sécurité et donc leur liberté. Notre offre est en elle-même créatrice de valeur.

L’alignement auquel nous veillons dans la manière d’exécuter notre mission et de répondre aux attentes de nos clients, et l’attention particulière que nous leur portons sont créateurs de valeur. Nous créons aussi de la valeur pour nos collaborateurs.

En leur proposant un fonctionnement de type « responsabilités augmentées » au sein de nos différentes activités, en favorisant les modes collaboratifs et facilitants plutôt que directifs. En intervenant en amont sur la formation initiale. Notre position dans notre écosystème nous a permis de créer avec une école de commerce locale un master 1 et 2 et ainsi de garantir l’adéquation des profils des diplômés aux besoins et au format d’une entreprise comme la nôtre, sur le fond comme sur la forme.

4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer
le développement des entreprises françaises ?

a/ Mettre en place une monnaie complémentaire,
du type du WIR Suisse, utilisée par 60 000 entreprises là-bas, ce qui permettrait de :
– fluidifier les échanges entre entreprises ;
– nous rendre plus résilients lors de crises majeures telles que celle de 2008 ;
– relocaliser les activités et donc promouvoir des échanges plus respectueux
de l’environnement.

b/ Rentrer vraiment dans l’Europe.
Aujourd’hui on n’a pas l’impression de faire partie d’une communauté où les échanges sont faciles mais plutôt de rester sur nos prés carrés. On a le sentiment de ne pas bénéficier autant qu’on le pourrait des opportunités d’échanges liés à l’Europe.

On a le sentiment que le bénéfice de l’Europe est un peu réservé aux grandes entreprises mais qu’il ne touche pas les entreprises plus petites, aussi bien en termes de nouveaux marchés que de subventions. C’est un peu toujours les mêmes grandes entreprises qui en profitent, car ce sont les seules à savoir comment faire. Les nombreuses boîtes plus petites mais qui font le PIB de la France ne parviennent pas à en profiter finalement.

Mieux diffuser et partager les bénéfices de l’Europe passe certainement par des engagements plus profonds tels que, par exemple, un budget commun ou une fiscalité harmonisée. Tant que nous ne tomberons pas d’accord sur ces mesures au sein de l’Union on ne progressera pas. Parti d’une vraie bonne idée, l’Euro est aujourd’hui pour toutes ces raisons plus une monnaie allemande qu’européenne.

c/ Nous laisser un peu tranquilles.
Faire un peu plus confiance aux entreprises plutôt que systématiquement penser pour elles.
Les entrepreneurs ont du bon sens. Pourquoi ne pas leur laisser un peu d’espace pour essayer, expérimenter, même sous surveillance.

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