Il nous l'avait bien dit
décembre 2019
Le temps des systèmes est passé
Alors que sous la houlette de médias ou de dirigeants politiques et syndicaux intéressés, l’opinion semble s’émouvoir d’une réforme des retraites dont le premier mot n’est pas encore écrit mais dont les grandes lignes se distinguent, il n’est pas inutile de rappeler ce que Say écrivait s’agissant de la vérité et des faits. Dans un pays sans système de retraites, qui oserait proposer 42 régimes différents permettant des départs entre 52 et 65 ans avec des niveaux de pensions favorables aux cotisations les plus courtes ? Qui proposerait un système par répartition que la démographie rendrait toujours plus lourd pour les cotisants et toujours plus confortable pour les bénéficiaires ? Qui proposerait de le maintenir en déficit permanent en s’appuyant sur l’impôt pour l’équilibrer ? Qui le proposerait sans provoquer la colère de la rue contre une telle aberration et une telle injustice ?
« Je sais que quelques têtes nébuleuses s’efforcent encore tous les jours de répandre du louche sur des sujets qu’elles sont incapables de concevoir nettement. Elles obscurcissent une question pour se donner le droit de dire qu’elle n’est point encore éclaircie. On doit peu s’en inquiéter : c’est l’épreuve indispensable que doit subir toute vérité. Au bout d’un certain temps, le bon sens du public fait justice des opinions qui n’ont pour appui que de vieilles habitudes, ou les illusions de l’amour-propre, ou les sophismes de l’intérêt personnel ; et la vérité reste.
D’un autre côté, certains écrivains capables de travailler utilement à la diffusion des lumières, s’occupent à fabriquer des systèmes où il n’y a rien à apprendre et des dissertations dogmatiques qui ne prouvent autre chose que la facilité d’avoir une opinion en économie et la difficulté de lier les principes dont se compose cette science. On veut paraître avoir dépassé les éléments et l’on se jette dans des controverses qui découvrent qu’on ne les possède pas bien. On remplace l’exposition des faits par des arguments, s’imaginant qu’il est possible d’arriver à des résultats importants avant d’avoir bien posé les questions. On oublie que la vraie science ne se compose pas d’opinions mais de la connaissance de ce qui est.
En économie, la partie vraiment utile, celle qui est susceptible des applications les plus importantes, ce sont les éléments. Le temps des systèmes est passé, celui des vagues théories également. Le lecteur se défie de ce qu’il n’entend pas et ne tient pour solides que les principes qui résultent immédiatement de la nature des choses consciencieusement observées et qui se trouvent, dans tous les temps, être applicables à la vie réelle. »
Catéchisme d’Économie Politique (avertissement de l’auteur à la troisième édition 1820) ; publié dans la Décade de janvier 2015.