Il nous l'avait bien dit
novembre 2019
Services publics : si bien servis ?
Alors que la France se prépare avec soumission à la paralysie, à compter du 5 décembre, de ses transports en commun (son « Service Public »), qui fonctionnent davantage au service de ceux qui l’opèrent plutôt qu’à celui de ceux qui le paient par le tarif et par l’impôt. Alors que rien n’est fait, ni dit, par les syndicats sur les luttes sociales qui mériteraient d’être menées, et qui préfèrent défendre les privilèges de certains pour garantir leur survie, il n’est pas inutile de relire Jean-Baptiste Say. Il donne une vision assez juste et actuelle des limites des services publics et de la capacité des politiques à bien gérer les affaires des citoyens.
« Malgré toutes les précautions qu’on peut prendre, le public ni le prince ne peuvent jamais être ni si bien servis ni à si bon marché que les particuliers. Les agents de l’administration ne sauraient être surveillés par leurs supérieurs avec le même soin que les agents des particuliers. Et les supérieurs, eux-mêmes ne sont pas si intéressés à leur bonne conduite.
Il est facile d’ailleurs aux inférieurs d’en imposer à un chef qui, obligé d’étendre au loin son inspection, ne peut donner à chaque objet qu’une fort petite dose d’attention ; à un chef souvent bien plus sensible aux prévenances qui flattent sa vanité qu’aux soins dont le public seul profite !
« Les services publics ne sont jamais mieux exécutés, dit Smith, que lorsque la récompense est une conséquence de l’exécution et se proportionne à la manière dont le service a été exécuté. »
Non seulement le temps et les travaux des administrateurs publics sont parmi les plus chèrement payés, non seulement il y en une grande partie gaspillée par leur faute, sans qu’il soit possible de l’éviter, mais il y en a beaucoup de perdus par une suite des usages du pays et de l’étiquette des cours. Qui pourrait calculer ce que, durant plus d’un siècle, il a été perdu sur la route de Paris à Versailles, d’heures chèrement payées par le public ?
Les longues cérémonies qui s’observent dans les cours, prennent de même aux principaux fonctionnaires de l’État un temps considérable. Quand le prince a consacré aux pratiques religieuses, aux cérémonies d’usage et à ses plaisirs, le temps qu’ils réclament, il ne lui reste pas beaucoup de temps pour s’occuper de ses affaires ; aussi vont-elles fort mal. Le roi de Prusse, Frédéric II, au contraire en distribuant bien son temps et en le remplissant bien, avait trouvé le moyen de faire beaucoup par lui-même. Il a vécu plus que d’autres, morts plus âgés, et il a élevé son pays au rang d’une puissance de premier ordre. Sans doute ses autres qualités étaient nécessaires pour cela ; mais ses autres qualités n’auraient pas suffi sans un bon emploi du temps. »
Voilà ce qui fait le lien de la société. Toutes les autres situations sont des états de maladie, des situations nécessairement passagères ; car si elles étaient durables, le corps social cesserait d’exister. »
Traité d’économie politique – 5e éd. 1826 Livre troisième chapitre VII.