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janvier 2015

« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)

Barbara Romagnan,
députée du Doubs

La rapporteure (sic) de la «Commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail », évite la posture et conclut : « Il apparaît que la réduction du temps de travail a constitué un outil pertinent et efficace de lutte contre le chômage ». Avec la dernière publication des chiffres du chômage en France : +0.4% en novembre et +6% sur 12 mois, soit 5,478 millions de personnes sans emploi, on peut se demander alors quels seraient ces chiffres sans l’immense succès des 35 heures ! La critique du rapport a été très pertinemment faite par Pierre Cahuc dans les Echos du 22 décembre www.lesechos.fr. Il nous semble intéressant de voir comment les idées fausses se construisent, y compris au plus haut niveau de la représentation nationale. Quelques éléments d’explication :

La Commission parlementaire est composée en juin 2014 de 28 membres dont un président, 4 vice-présidents, 4 secrétaires et une rapporteure… Une grande partie du contenu du rapport est issue des auditions ; 72 personnes seront auditionnées. Il est frappant de noter que seulement 5 représentants d’entreprises seront invités à témoigner -en dehors des cabinets de conseil en ressources humaines qui pullulent grâce à l’inflation et à l’instabilité de notre droit du travail- : que disent-ils ?

La Directrice des Ressources Humaines d’Eram : « pour les postes de cadres les 35 heures n’ont pas permis le partage du travail et les créations d’emplois attendus…. Le groupe a dû négocier des accords collectifs allant au-delà des 35 heures et payer un nombre important d’heures supplémentaires qui se sont traduits par une augmentation du coût de l’heure travaillée…conduisant à une forte modération des politiques salariales – d’où une frustration des salariés… Pour les cadres : intrusion du travail à la maison et transfert partiel du bureau à la maison, loin du rééquilibrage recherché. » A cette séance du 4 septembre, assistent seulement 7 des 28 membres de la commission ; seuls 4 absents sur 21 sont excusés.

L’ex DRH d’Areva et le DRH de Safran : « En nombre d’heures théorique travaillées, la capacité de travail est inférieure en France à ce qu’elle est dans la plupart des pays concurrents…Pour les cadres, la discussion est une horreur absolue et tient du bricolage : des jours de récupération aux avantages financiers en passant par les forfaits, tout cela est une aberration…La mise en place des 35h n’a pas été un facteur de gains de productivité. Elle a surtout accéléré la transformation des entreprises, souvent au détriment de l’emploi… Croire que le travail peut se partager est une illusion… RTT ce sigle qui n’existe dans aucun autre pays du monde a modifié le rapport que l’on a au travail… » A cette séance du 11 septembre 7 membres de la commission sont présents ; aucun des 21 absents n’est excusé…

Les dirigeants de deux TPE : Rouchon Paris (studio photo-vidéo) et Secma-Cabon (mécanique) : « Impossible d’envisager des créations de postes en contrepartie de la réduction du temps de travail. Certains ont dû faire autant en moins de temps, source de stress… Les 35 heures ont participé à la complexification de la gestion d’une TPE et ont fatalement contribué à renchérir le coût du travail. » Ce 9 octobre, ils n’étaient plus que 4 à écouter les chefs d’entreprises et aucun excusé…

Pour clore les auditions le 27 novembre, sont invités Michel Pébereau Président d’honneur de BNP Paribas et Laurent Bigorne directeur de l’Institut Montaigne à l’occasion de la sortie en octobre 2014 du rapport « Temps de travail : mettre fin aux blocages ». Evidemment, on commence à prendre de la hauteur et les enjeux collectifs apparaissent clairement: www.assemblee-nationale.fr «La durée effective annuelle de travail des salariés à temps plein en France est la plus faible de tous les pays européens : 1661 heures soit 186 heures de moins que l’Allemagne… Les progrès de productivité sont beaucoup plus lents aujourd’hui qu’ils n’ont pu l’être dans un passé lointain ; il va de soi que l’augmentation du temps de travail est de nature à permettre de donner un moteur à la croissance…Si nous travaillons davantage nous produirons davantage… Avoir une population qui croît est un avantage comparatif et non un désavantage.» Du Jean-Baptiste Say, pur ! Mais ce denier jour des auditions, ils n’étaient plus que 2 membres de la Commission présents !…

Alors, Madame la rapporteure, pourquoi ne pas avoir considéré ce que les entreprises vous ont dit ? Pourquoi n’avoir pas auditionné Seb, Valeo, Legrand etc? Echec de la raison car victoire de l’ignorance : Barbara Romagnan soutient par exemple que « 90% du déficit de la balance commerciale s’explique par les importations d’hydrocarbures ». Malheureusement ce n’est que 30 sur nos 55 milliards de déficit soit 64%, qui ne peuvent pas être une excuse, mais au contraire une exigence d’être compétitif pour les compenser… en plus du reste ! Parlementaires, venez dans les entreprises et instruisez- vous!

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