Au fil des lectures : reçu 10/10
février 2019
« Une vérité appartient, non pas au premier qui la dit, mais au premier qui la prouve. » (traité 1ère ed.)
Robert SIRICO, Catholique et libéral – Éditions Salvator 2018
Voici un ouvrage écrit en 2012, traduit et publié en France l’an dernier qui aurait mérité un retentissement plus grand, mais notre débat national ne laisse guère de place aux idées et encore moins à celles qui pourraient déranger notre organisation sociale pleine de paradoxes. Américain, fils d’immigrés italiens Robert Sirico est prêtre et à ce titre interroge de façon assez inhabituelle chez les catholiques les raisons de la prospérité, ses ressorts, sa finalité et ce qui la menace.
L’économie libre est pour lui « un rêve digne de l’imagination spirituelle ». Un catholique ne peut pas ignorer l’obligation morale d’assister les pauvres et les faibles, sans négliger les paroles du Christ. Mais quelle est la meilleure manière d’y parvenir ? Réaffirmant l’extraordinaire apport de la croissance économique (innovation technologique et accumulation de capitaux) à l’élévation de la condition de l’homme échappant à la simple quête de subsistances pour assurer sa survie, Sirico nous met en garde sur la dégradation des institutions et des moyens qui permettent de nourrir 7 milliards d’individus qui vivent de plus en plus longtemps. Il constate le déclin de l’accumulation du capital par l’épargne au profit d’une consommation forcenée qui fait croire aux individus « qu’avoir plus permet d’être davantage ». Cette idolâtrie de l’argent prête facilement à sa contestation alors que son rôle est primordial dans l’échange et dans la formation de la richesse collective. Et celle-ci est menacée par l’insuffisance d’épargne et l’accumulation des dettes qui viennent financer une consommation excessive payée par les générations futures. C’est une volonté de partage égalitaire qui nourrit ce manque d’épargne et de travail dans nos sociétés où il n’est pas reproché à quiconque de vivre aux dépens d’autrui.
La poursuite de la prospérité ne peut se faire que dans un système de liberté, de respect de la propriété, de règles universelles et justes et de libre formation des prix : l’approche dirigiste (socialiste ou fasciste) use de symboles et de rhétoriques apparemment plus chrétiens en exprimant sa préoccupation envers toutes les personnes qui composent la société. Pourtant c’est le capitalisme, qui se concentre sur le bien-être individuel qui finit par favoriser le bien commun. Les bonnes intentions du collectivisme ne suffisent pas à ce que le système soit moralement bon, comme en témoignent la prédation, la corruption et la misère qui règnent dans les pays ou les principes libéraux du capitalisme (le marché, la propriété, la liberté et la responsabilité) ne sont pas respectés. L’idéologie collectiviste, incapable de s’associer à la prospérité, est plus dangereuse que l’inégalité matérielle en tant que telle.
Mais il est aussi indispensable de mettre un prix à ce qui a de la valeur, notamment pour s’assurer de la protection de l’environnement : le manque de connaissance et de gestion des biens collectifs naturels nuit à nos exigences de développement durable et menace à long terme la prospérité elle-même, car à ne pas donner de valeur aux ressources « gratuites » dont nous jouissons, nous les épuiserons.
Sirico réconcilie ainsi un capitalisme responsable, permettant à l’homme de dépasser sa condition initiale, et les devoirs du chrétien. L’anticapitalisme n’a effectivement jamais profité aux pauvres…