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janvier 2019
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
Rétablir l’ISF ? Aberration économique et clientélisme politique.
Alors que la France croule sous les impôts, certaines voix dans la rue, au Parlement, dans les médias ont vanté le rétablissement de l’ISF comme le remède définitif et absolu aux difficultés économiques et sociales du pays… Bien sûr 70% des français y sont favorables, comme on est toujours favorable au paiement des impôts par les autres. Comme si l’allégement de l’impôt pour quelques centaines de milliers de contribuables avait pu être dicté par l’électoralisme, et non par l’analyse maintes fois faite de la toxicité pour tous de cet impôt nuisible.
Signalons toutefois que l’ISF n’a pas été supprimé : son assiette a été contenue aux biens immobiliers. Ce faisant, avec les droits de mutation, les droits de succession, les taxes foncières et l’IFI (l’ISF sur l’immobilier), le capital immobilier se trouve lourdement taxé ce qui pénalise l’accès à la propriété, renchérit les loyers et entrave la mobilité.
Rappelons donc quelques fondements rationnels à la « suppression » de l’ISF :
« Tout a été dit ou presque sur l’inutilité, la nocivité, de l’ISF -exception française- y compris par le candidat Valls aux primaires socialistes de 2011.
Inutilité fiscale de cet impôt : dans son principe même, c’est une aberration de taxer un capital quel qu’il soit uniquement parce qu’il existe, et donc d’obliger son propriétaire à en réaliser une partie pour pouvoir en conserver une fraction réduite chaque année ; autant taxer toutes les personnes en âge de travailler, même si elles n’ont pas de revenus ! L’assiette qui exclut les actifs non productifs, comme les œuvres d’arts, qui décote l’immobilier, mais qui prend à leur valeur de marché les actifs productifs finançant l’économie est absurde. C’est l’impôt spéculatif par excellence : si la bourse monte l’État gagne. Si elle baisse ensuite, ce que le contribuable a payé est définitivement perdu. Son taux, progressif de 0.5% à 1.5%, est devenu également aberrant comparé aux taux des emprunts d’État qui avoisinent 0%.
Son rendement est très faible : 5,2 milliards d’euros et 343 000 foyers concernés en 2015, soit 1,4% des recettes de l’État, 6% du déficit, ou l’équivalent de 3,2% des recettes de TVA. Mais surtout, par l’exil fiscal auquel il contraint, il génère des moins-values fiscales colossales. Les millionnaires qui sont partis en Suisse, en Belgique, aux USA, au Royaume-Uni, en Israël, ne payent plus leur ISF en France, ni pratiquement aucun autre impôt : TVA, impôt sur le revenu, contributions sociales, etc. Par solde, le rendement net de l’ISF est négatif pour les finances publiques, sans doute même de plus de 10 milliards pour ceux qui, de l’Institut Montaigne à Patrick Artus en passant par l’IFRAP, ont essayé de le chiffrer. Sans compter les emplois directs détruits lors des départs qui sont ceux aussi des cerveaux et des énergies créatrices. Comme si les effets de la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 n’étaient pas connus de nos dirigeants qui s’honorent dans le culte mémoriel.
D’un point de vue économique, il s’ajoute à la taxation des revenus du capital la plus élevée au monde. Le rendement net du capital s’en ressent. Alors que l’industrie représentait plus de 20% du PIB en France et en Allemagne en 1980, elle représente encore 22% en Allemagne mais seulement 11% chez nous. Les gains de productivité d’une économie sont intimement liés à son intensité en capital. Et les gains de productivité déterminent notre compétitivité. L’ISF a sa part de responsabilité dans le niveau de chômage du pays.
Enfin l’ISF est nocif socialement et politiquement. Il entretient l’idée qu’il y a toujours de l’argent à prendre chez les autres (les riches), ce qui est plus facile que d’en produire soi-même. Sous couvert de solidarité il cultive le ressentiment et la jalousie au lieu de générer les ambitions. Il culpabilise la fortune -« je n’aime pas les riches »- dont les détenteurs devraient se reprocher naturellement de ne pas être pauvres. Il fait de l‘impôt non pas une contribution, mais une punition.
Pourtant la fortune n’est que le témoin de la prospérité et celle-ci ne se réalise pas au détriment de ceux-qui y concourent, mais par leur bonne collaboration. L’amour de la pauvreté n’est pas plus vertueux que l’amour de la prospérité. Ne nous y trompons pas et regardons notre monde : la misère se conjugue très bien avec la guerre et l’asservissement ; la prospérité avec la paix et la liberté. »
Publié dans « l’Opinion » le 24 Août 2016.