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avril 2018
« L’économie : il y a peu de sujet sur lequel on se soit plus donné carrière pour déraisonner » (traité 1ère ed.)
Le Monde, mauvais pédagogue
Nous revenons un peu tardivement sur cette « une » du Monde du 9 mars 2018, car elle est un bon exemple de la confusion qui règne chez certains esprits qui ont pourtant pour mission d’apporter connaissance, ordre et logique, et normalement pour ambition d’approcher la vérité. Au préalable, il faut distinguer à ce sujet, pour ce qui concerne le Monde, l’écart important qui semble exister entre son « editing », responsable de cette « une » pitoyable et sa rédaction qui fait souvent œuvre utile et qui compte des plumes bien instruites et de qualité pour traiter les sujets économiques.
Pourquoi pitoyable, cette une ?
Parce qu’elle affiche en chiffres sur quatre colonnes à la une la somme des profits des entreprises du CAC 40, comme la sécurité routière placarderait une photo d’accident pour nous faire ralentir.
Parce que les profits de 93 milliards « record » du CAC n’en sont pas un : si les profits étaient un peu supérieurs à ce niveau en 2007, ils devraient être autour de 125 milliards en 2017 pour les égaler réellement : depuis dix ans le monde a connu croissance et inflation ; la quasi-identité nominale reflète en réalité un retard par rapport à une évolution en ligne avec l’économie mondiale et témoigne que les entreprises du CAC 40 sont en fait moins performantes qu’en 2007.
Parce que les profits ainsi présentés et commentés par « La BCE s’inquiète des salaires anormalement bas en Europe » sont à nouveau opposés, de façon totalement déplacée en l’occurrence, à la rémunération des autres facteurs de production.
Parce qu’une fraction (environ 50%) des bénéfices après impôts (taxés au taux de 33%) revient effectivement aux actionnaires via les dividendes, qui sont eux-mêmes taxés à 30%. Sommairement, sur 100 de bénéfices avant impôts, il reste donc 67 qui sont distribués pour moitié. C’est donc plus de 50% des bénéfices (33% + 17,5%) qui reviennent dans les poches publiques.
Parce que les bénéfices sont une composante importante du cash-flow (les liquidités) générées par les entreprises et qui leur permet d’investir. C’est donc encore ignorer le théorème d’Helmut Schmidt (1974) : « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après demain ».
Parce que le Monde devrait afficher de la même manière les 2000 milliards de dettes publiques, mais sans doute l’édition n’arriverait pas à la faire tenir sur quatre colonnes…