Parole d’entrepreneur
juin 2017
Victor Paraire et sa TPE de peintre en décors et trompe-l’œil
En 2004, après une formation à l’IPEDEC, Victor Paraire lance sa TPE de peintre en décors et trompe-l’œil. Une activité qui l’amène à travailler aussi bien sur les chantiers de rénovation des hôtels Crillon ou Lambert que sur le nouveau siège de Coca Cola à Issy-les-Moulineaux ou pour Google ! Et une palette qui va de la restitution de faux marbres 17e à la création de matières contemporaines inédites… Ses chantiers se facturent entre 10 et 100 000 euros. Ils recrutent de 1 ou 6 personnes par opération, professionnels pointus (issus des Arts Déco, de l’École du Louvre, des Beaux Arts) comme petites mains (simples peintres en bâtiment).
1) Pourquoi être devenu entrepreneur ?
À aucun moment, au sortir de ma formation, je ne me suis posé la question de devenir salarié, même si j’ai eu plusieurs propositions. J’avais envie d’éclectisme et la plupart des grandes entreprises de décors se spécialisent dans un créneau, le monument historique, le moderne, le bureau, le particulier, etc. Je voulais toucher à tout, à toutes les techniques et continuer à apprendre. Sortant par ailleurs de 10 ans chez les pompiers — je sais, c’est surprenant ! – , je me sentais parfaitement à même de tenir des engagements et de manager une équipe. J’ai donc foncé et je ne le regrette pas même si parfois, j’ai le sentiment de travailler très dur, sans filet avec parfois une forme de découragement quand la trésorerie ne suit pas comme elle le devrait !
2) Le chef d’entreprise est-il le seul à entreprendre ?
Dans ma TPE, c’est sur moi, le chef d’entreprise donc, que repose le business. C’est moi seul qui répond aux appels d’offres, invente et développe des techniques et des matières, propose des réponses aux demandes des architectes et des décorateurs — dont je suis sous traitant — développe mon réseau, bref, c’est donc à moi d’aller chercher des chantiers, en permanence. Je gère aussi l’approvisionnement en matériel et la logistique. Mais une fois l’opération lancée, évidemment, le dialogue est ouvert avec les gens que j’ai recrutés pour travailler de la façon la plus intelligente et la plus efficace possible. Même si c’est forcément moi qui, in fine, tranche et surtout gère les problèmes et les ennuis !
3) Pour vous, qu’est-ce que la création de valeur ?
La valeur ajoutée de mon entreprise est d’abord esthétique et artistique, il s’agit d’apporter de l’unique et du beau. Au delà de ça, j’ai une grande fierté à pouvoir continuer à faire travailler régulièrement des gens dans un secteur complexe, très concurrentiel, où beaucoup restent sur le carreau. Notre métier permet aussi de réconcilier une certaine qualité culturelle française, inscrite dans la durée et l’exigence contemporaine de l’immédiateté, du temps court. De cela, je suis très fier aussi ! Je trouve enfin valorisant de proposer et de réaliser du travail bien fait, inventif et technique — je peux passer des mois à mettre au point techniquement une matière ! – à un moment où la plupart des écoles de formation, toutes subventionnées, ne sélectionnent pas leurs étudiants comme elles le devraient et produisent des légions de gens incompétents.
4) Quelles sont les trois ou quatre mesures à prendre pour améliorer le développement des entreprises françaises ?
Même si tout le monde m’avait prévenu, je n’aurais jamais imaginé la lourdeur administrative que je subis à tous les stades, et notamment celui de la réponse aux appels d’offres. J’ai souvent le sentiment que ces derniers cherchent à éliminer les petites entreprises par tous les moyens, ce qui dans les faits, nous conduit à accepter souvent d’être sous traitants, contre des commissions exorbitantes, dont le client fait finalement les frais : si je perds 40 % sur un chantier, le client a aussi une prestation amputée de 40 %. Il se passe souvent 2 mois avant que je puisse récupérer un document qui m’est nécessaire auprès d’un organisme ou un autre ! C’est une éternité… même si les organismes en question, sans doute débordés par la bureaucratie, ont l’air de trouver que c’est normal. Je salue d’ailleurs la création de la plate-forme attestationlegale.fr, réseau social B2B qui collecte, authentifie et diffuse le dossier administratif de façon sécurisée. Il simplifie assez efficacement la vie des TPE. Mais le principal problème est évidemment celui des délais de paiement — 90 jours, en réalité — qui me plongent dans des affres de trésorerie fréquentes. L’effet domino est catastrophique sur mes sous-traitants, eux-mêmes petits, même si j’essaie de les payer en priorité. C’est aussi un cercle vicieux terrible : les frais bancaires s’accumulent, les pénalités pour paiement en retard des cotisations diverses aussi. Les banques, sans doute parce qu’elles-mêmes sont soumises à une réglementation pesante, ne jouent pas du tout leur rôle de soutien à cette petite économie qui pourtant maille un pays : elles ne pratiquent plus l’affacturage pour les TPE, c’est très dommageable, il faudrait qu’elles puissent à nouveau le faire.